Intentions de semis 2024: quel impact sur les prix?

Résumé du webinaire de Jean-Philippe Boucher de Grainwiz

Publié: 5 avril 2024

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prediction rendement

À l’aube de la saison des cultures ici et aux États-Unis, à quoi faut-il s’attendre dans l’évolution des prix dans les prochains mois? La question se pose en effet puisque les intentions de semis ont été dévoilées aux États-Unis depuis une semaine, ce qui permet d’extrapoler davantage sur les facteurs pouvant influencer les prix, surtout que le contexte est plus difficile depuis plusieurs mois à Chicago avec des prix sous pression pour le maïs, le soya et le blé.

Jean-Philippe Boucher, fondateur de Grainwiz et blogueur au Bulletin des agriculteurs, a offert une vision macroénomique de la situation lors d’un webinaire présenté le 5 avril. En somme, les tendances baissières sont toujours en place, surtout pour le maïs et le soya, mais une reprise légère de la demande permet un optimisme modéré pour les prix. Il ne faudrait toutefois pas s’étonner de voir les prix piquer encore du nez.

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Les chiffres dévoilés par le département américain de l’Agriculture (USDA) ont causé la surprise avec des ensemencement de maïs à la baisse avec un recul de 5% sur un an. Il s’agit d’une baisse pour 2024, mais tout de même dans la moyenne des dernières années à 90 millions d’hectares. La production de maïs avait atteint un sommet l’an dernier à 15,3 milliards de boisseaux.

La situation s’améliore dans la demande d’éthanol avec le retour à des niveaux pré-pandémiques. La demande en alimentation animale reprend aussi, mais plafonne et se maintient à ses niveaux de l’an dernier. Jean-Philippe Boucher a rappelé que les exportations de l’an dernier avaient été mauvaises. Le USDA est optimiste, mais la situation reste difficile face à la Chine et le Brésil.

Les inventaires ont d’ailleurs bondi de 59,6% par rapport à l’an dernier.  L’analyste estime donc que la tendance baissière continuera avec un prix évolué de 3,50 à 5,25 $US, selon une estimation du pire au meilleur, et un prix dit réaliste de 3,75 $US à 4,75$ US (200 à 253 $ CAN la tonne).

Portrait du soya

Les superficies de soya ont, pour leur part, diminué de 2% en 2024 après la hausse enregistrée l’an dernier. Le soya se situe dans la moyenne élevée des prévisions de semis, tout comme le blé. En tenant compte des données historiques, la récolte américaine pourrait atteindre 4,3 milliards de boisseaux pour 2024, soit un peu moins que la récolte de 4,5 milliards de boisseaux de 2021.

« Ce qui est encourageant avec le soya, c’est la trituration qui augmente depuis un an, mais ce qui fait mal est du côté des exportations. Semaine après semaine, la demande est absente avec un recul annuel de plus de 13% », déclare Jean-Philippe Boucher. En conséquence, les inventaires sont de retour à un niveau relativement élevé, mais sont tout de même serrés historiquement et pourraient augmenter avec les projections de semis.

Dans le meilleur des scénarios, le prix pourrait se situer à 14$ US et le pire à 10$ US. Une projection réaliste entre les deux serait une fourchette de prix entre 10,50 et 13$ US (521 à 645 $CAN la tonne), mais encore ici, la tendance baissière est toujours présente.

Aperçu pour le blé

Les intentions de semis pour le blé sont, pour leur part, à la baisse. La production pourrait se situer à 1,8 milliard de boisseaux, un chiffre similaire à celui de 2023. La demande en blé pour l’alimentation humaine recule depuis les derniers mois, « mais encore ici, les exportations ne lèvent pas avec une baisse de 6,5% sur un an en raison de la concurrence internationale qui pèse sur le prix », déclare Jean-Philippe Boucher.

Avec la demande alimentaire à la baisse et les exportations qui stagnent, les inventaires augmentent. Le portrait pour le prix est donc de 4,60 à 8 $US, selon le pire et le meilleur scénario, alors qu’une cible réaliste se situe entre 5 et 6,50 $US. La bonne nouvelle dans le cas du blé est qu’il semble avoir atteint dernièrement son creux dans les marchés.

À quoi s’attendre au Québec

Le Québec devrait connaître en 2024 une augmentation de 5% des superficies de maïs-grain et 6% du maïs-ensilage. Le blé d’automne augmenterait de 7% et le canola de 20%. Les autres céréales reculent, tout comme le soya, mais la fève est en tête pour une 4e année consécutive. Le maïs atteindrait un sommet depuis 2019 pour les superficies, selon les données fournies par Statistique Canada. L’organisme fédéral indique, par ailleurs, que les superficies totales diminuent au Québec après avoir culminé au début des années 2000.

Les projections de rendements pour le maïs ont été fixées entre 8,9 et 10 tonnes à l’hectare, avec une moyenne de 9,5, pour une production totale de 3,61 millions de tonnes, la meilleure depuis 2018. La base US demeure sous pression et sous les moyennes de cinq ans. Une bonne récolte cette année pourrait renforcer cette tendance.

La production de soya devrait en principe reculer en 2024, après avoir atteint un record l’an dernier. La base US est faible ici également, ce qui est une possible répercussion de la bonne récolte de 2023, estime Jean-Philippe Boucher.

Pour la production de blé, la récolte estimée est en hausse pour 2024, après la saison catastrophique de 2023. La base pour le blé fourrager a été bonne dans la dernière année, ce qui fait que même dans le cas d’une bonne récolte au Québec, la base US favorable devrait demeurer.

Autres facteurs à considérer

Jean-Philippe Boucher avance toutefois que les intentions de semis font partie d’autres éléments desquels il faut tenir compte. Entre autres, la situation a varié beaucoup l’an dernier entre les intentions de semis et les ensemencements réels. Les conditions météo seront à surveiller, surtout avec un retour de La Nina et les conditions sèches actuellement dans le Midwest qui pourraient s’accentuer avec le phénomène climatique. Un rallye météo n’est donc pas à écarter cet été.

Pour le Québec, les conditions d’humidité sont à la normale en ce moment, mais les conditions ne devraient pas être favorables pour un semis hâtif avec beaucoup de précipitations. Environnement Canada prévoit d’avril à juin des précipitations dans les normales et du temps nettement plus chaud que la moyenne.

Il faut ajouter à cette liste des éléments d’incertitude, tels que les élections américaines. La présidence de Donald Trump avait mené à une guerre commerciale avec la Chine qui a fait mal au soya, ce qui laisse présager un retour à l’incertitude dans le cas de la réélection de Donald Trump cet automne.

Quand vendre?

À savoir s’il faut vendre maintenant ou attendre, Jean-Philippe Boucher fait valoir que la tendance baissière qui se manifeste depuis deux ans est encore présente, mais que la demande démontre des signes de reprise. Le creux de la tendance baissière n’aurait pas été atteint pour le maïs et le soya. Il ne faut toutefois pas attendre de voir les prix remonter nettement avant de se décider à vendre. Les producteurs qui auraient conservé la totalité de leur dernière saison prendraient des risques, aux yeux de l’analyste.

Pour consulter les blogues de Jean-Philippe Boucher, cliquez ici.

Cliquez ici pour voir les webinaires des intentions de semis des années précédentes.

La présentation a été enregistrée et sera disponible ici lundi le 8 avril.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Céline Normandin

Céline Normandin

Journaliste

Céline Normandin est journaliste spécialisée en agriculture et économie. Elle collabore également au Bulletin des agriculteurs.