En janvier dernier, j’ai donné une conférence à Saint-Hyacinthe, pour l’Association des commerçants de grains du Québec. À la fin de cette rencontre, une personne m’a demandé si j’anticipais une hausse plus importante du prix du maïs au Québec cette année, spécialement à partir de la fin de l’été. À l’origine de cette question, on me soulignait que la demande à l’exportation pour notre maïs au Québec était beaucoup plus forte que la normale cette année.
C’est le genre de question que j’aime bien. Mais, elle est très difficile à répondre. Pourquoi?
Au Québec, nous avons accès à très peu de données factuelles sur l’offre et la demande de grains, et encore moins de données très à jour. Essayer de comprendre ce qui se passe dans le marché, c’est donc surtout un jeu de qui dit quoi; des rumeurs qui circulent. On se mouille ensuite le pouce, on le met dans les airs, puis on observe dans quelle direction le vent souffle.
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Dans le cas de notre question, nous avons des données sur les exportations québécoises de maïs. Statistique Canada les publie avec un mois de retard. Vous me direz que ce n’est pas si mal. Mais bien franchement, un mois, c’est beaucoup quand on veut comprendre au quotidien ce qui se passe dans le marché. Si on soupçonne qu’il se passe quelque chose, on ne peut pas non plus s’appuyer sur seulement un mois de données. Il peut, par exemple, y avoir de fortes exportations au cours du mois de décembre, mais très peu ensuite en janvier. Bref, il faut observer sur une certaine période de temps. Et, avec un mois de retard pour accéder à des chiffres, ça fait long avant de pouvoir conclure.
Maintenant, avec du recul et quelques mois de chiffres depuis la récolte, est-ce qu’effectivement les exportations de maïs québécois ont été plus fortes cette année? La réponse est oui, en effet. Mais qu’en est-il vraiment?
Je vous joins un résumé des chiffres de Statistique Canada qui parle de lui-même. En un coup d’œil, on peut constater que cette année, au cumulatif, nous serions effectivement en avance de près de 50 000 tonnes exportées de plus par rapport à l’an dernier, et de 22 000 à 35 000 tonnes de plus par rapport aux moyennes de cinq et sept ans.

Sur les sept dernières années où les données sont disponibles, on remarque aussi qu’il y a trois années où les exportations ont été plus marquées : 2017-2018, 2021-2022 et 2022-2023. Autre fait intéressant : pour ces trois années, les récoltes de maïs au Québec ont été bonnes, comme cette année.
Donc, en principe, oui de fortes exportations, mais de bonnes récoltes à écouler aussi. Cela rend plus ambigu le fait de savoir s’il restera ou non beaucoup de maïs en fin d’été, avant les récoltes. Dans le cas qui nous concerne, c’est-à-dire cette année, nous n’avons pas non plus encore d’idée pour savoir si les exportations resteront plus élevées que la normale d’ici l’automne.
Question de me faire une tête, j’ai donc ressorti le comportement du prix du maïs au Québec au cours de ces trois années, en y ajoutant celui de cette année jusqu’ici.

Et qu’est-ce qu’on constate? Essentiellement, qu’à partir de l’été, le prix du maïs au Québec est resté stable, MAIS qu’il s’est également raffermi à la fin de l’été.
Pour ceux qui suivent de plus près le marché du maïs, j’ai jeté un coup d’œil, et la « base US » a aussi été plus forte, de 0,50 à plus de 1,00 $US/bo. au cours de ces années, en fin d’été.
En se basant sur ces informations, on peut donc déduire qu’effectivement, le prix du maïs devrait en principe être, cette année aussi, plus soutenu d’ici les récoltes. À savoir ensuite s’il sera « vraiment » beaucoup plus cher reste, par contre, une tout autre histoire. Par exemple, en 2021-2022 et 2022-2023, la hausse de fin d’été a été de 40 à 50 $ la tonne. Mais c’étaient des années exceptionnelles, où le prix du maïs avait atteint des sommets. Si on compare avec une année plus « normale », 2017-2018, le gain de fin de saison avait été beaucoup plus modeste, soit d’environ 5 à 10 $/tonne.
Avec les fortes exportations cette année et cette brève analyse, la seule chose dont nous soyons certains, c’est donc que le prix du maïs au Québec restera, à tout le moins, dans sa fourchette de 265 à 275 $/tonne à la ferme d’ici les récoltes. Ensuite, gagnera-t-il 5 à 10 $/tonne ou retournera-t-il plutôt à plus de 300 $/tonne? À mon avis, le mot reviendra à Mère Nature, qui décidera s’il faut ou non s’inquiéter des récoltes à venir cet automne aux États-Unis et ici, au Québec.
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