Dommage collatéral

Les dommages collatéraux de la guerre commerciale « mondiale » qui prend forme n’épargneront pas les prix des grains

Publié: 4 avril 2025

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Dommage collatéral

La dernière semaine a été pour le moins assez tendu. Jusqu’au mercredi, 2 avril à 16h, la planète entière retenait son souffle. Quel sera le nouveau coup de théâtre tarifaire de Donald Trump annoncé en grande pompe avec ce fameux « jour de la libération » promis au peuple américain? Et le couperet est tombé…

Tarif universel de 10% appliqué sur toutes les importations aux États-Unis à partir du 5 avril. À ce tarif s’ajoute celui de réciprocité additionnelle pour certains pays dont les pratiques commerciales sont jugées déloyales, notamment, la Chine, l’Europe, le Japon et Taïwan.

Pour le Canada, certains diront qu’on respire « un peu ». Pour autant que les produits exportés aux États-Unis rencontrent les règles de AEUMC (Accord États-Unis-Mexique-Canada), ils sont exemptés du 10%. Mais certains restent affligés de tarifs, notamment l’acier et l’aluminimum (25%), les véhicules (25%), certains produits énergétiques (10%) ainsi que la potasse (10%).

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Plus de maïs québécois d’exporté cette année?

On m’a demandé si j’anticipais une hausse plus importante du prix du maïs au Québec cette année, étant donné que la demande à l’exportation était plus forte que la normale cette année. C’est une excellente question, mais difficile à répondre.

Dans le cas qui nous concerne, les grains et céréales, pour autant qu’ils respectent les règles d’origine, à savoir qu’ils sont entièrement cultivés et récoltés au Canada, aucun tarif ne s’applique.

Ouf, pour les prix des grains au Québec, on peut dire qu’on l’a échappé belle… mais est-ce vraiment le cas? Malheureusement, non… Les effets des nouveaux tarifs américains sur notre marché ne se sont pas fait attendre.

Comme on sait, une bonne portion de nos prix pour les grains et céréales est déterminée par notre marché de référence, la Bourse de Chicago. Or, moins de deux jours après « le jour de la libération » de Donald Trump, la contre-offensive commerciale s’organise, nous écorchant au passage.

Dans la nuit de jeudi à vendredi, la Chine a annoncé qu’en réaction aux nouveaux tarifs américains, elle imposerait un tarif de 34% sur tous les produits américains à partir du 10 avril prochain. Ce tarif s’ajoute à ceux déjà en vigueur depuis mars dernier de 15% sur le maïs et le blé américain, et de 10% sur le soya et le sorgho.

Avec un tarif qui passe ainsi à 44% sur les importations chinoises de soya américain, et à 49% pour les maïs et blé américain, la réaction des marchés ne se sera pas fait attendre à Chicago.

Au moment d’écrire ces lignes, vendredi le 4 avril avant l’ouverture des marchés, le soya était en baisse de plus de -0,25 à 9,86 $US/bo., à son plus bas depuis le début de 2025. Les réactions dans les marchés du blé et du maïs à Chicago sont plus tempérées, le maïs en baisse de seulement -0,06 à 4,51 $US/bo. et le blé de -0,11 à 5,25 $US/bo.. On peut comprendre, sachant que la Chine importe surtout du soya américain.

N’empêche, tout ceci n’augure rien de bon pour le marché des grains. Et on ne peut exclure que d’autres pays puissent prendre des mesures « contre-tarifaires » qui toucheraient aussi aux exportations américaines de grains et céréales. On sait, par exemple, que le Mexique et le Japon représentent à eux seuls autour de 50% des importations de maïs américain, et près de 30% de celles de blé américain.

Si on s’en tient au commerce de grains et céréales, le Canada a donc peut-être bien été épargné de nouveau par les nouvelles mesures tarifaires de Donald Trump. Mais malheureusement, les dommages collatéraux de la guerre commerciale « mondiale » qui prend forme n’épargneront pas les prix des grains, que ce soit à Chicago comme ici, au Québec. Espérons seulement que le peuple américain se réveille de sa torpeur…

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À PROPOS DE L'AUTEUR

Jean-Philippe Boucher

Jean-Philippe Boucher

Collaborateur

Jean-Philippe Boucher est agronome, M.B.A., consultant en commercialisation des grains et fondateur du site Internet Grainwiz. De plus, il rédige sa chronique mensuelle Marché des grains dans le magazine Le Bulletin des agriculteurs.