Vous m’auriez dit à la fin de l’automne dernier que nous aurions en janvier du maïs au Québec à près de 275 $/tonne et du soya à plus de 525 $/tonne (à la ferme) et, bien franchement, je serais parti à rire. Mais, nous y sommes…
Pour vous situer, il y a encore quelques semaines, à la ferme, le prix moyen du maïs au Québec tentait de passer le cap du 230-240 $/tonne, et celui du soya plus de 500 $/tonne.
Mais comme ce n’est pas si rare que ce soit le cas dans les marchés des grains, nous avons eu une belle balle du champ gauche qui a chamboulé le contexte d’offre et demande de grains. Le 10 janvier dernier, dans son rapport mensuel, le département de l’agriculture des États-Unis (USDA) a lancé une petite bombe. Avec la fin de saison beaucoup trop sèche, les rendements américains ont été passablement moins importants que ce qui était estimé jusqu’ici. En chiffre, celui du maïs américain a été abaissé de 3,8 bo./acre à 179,3 bo./acre (0,24 tonne à 11,25 tonnes/ha) et celui du soya américain de 1,0 bo./acre à 50,7 bo./acre (0,07 tonne à 3,4 tonnes/ha).
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Plus de maïs québécois d’exporté cette année?
On m’a demandé si j’anticipais une hausse plus importante du prix du maïs au Québec cette année, étant donné que la demande à l’exportation était plus forte que la normale cette année. C’est une excellente question, mais difficile à répondre.
Sans rentrer dans tous les détails, les répercussions de ces baisses sont notables. Pour le maïs, sa disponibilité aux États-Unis est passée il y a quelques mois de plus de 50 jours de réserves à seulement 37 jours de réserve (voir graphique). C’est un niveau pratiquement aussi bas qu’il y a 2 ans et plus si loin que ça d’il y a 3-4 ans, années où le prix du maïs a atteint des sommets.


Les répercussions sont un peu moins dramatiques dans le cas du soya, mais pas sans conséquences non plus. Il n’y a pas encore longtemps, on prévoyait plus de 45 jours de réserve aux États-Unis, ce qui nous ramenait au niveau très confortable de la période de la guerre commerciale sino-américaine en 2018 et 2019. Nous passons aujourd’hui à 32 jours de réserve. C’est un niveau qui demeure « correcte » et historiquement assez élevé. N’empêche, nous sommes à la baisse, ce qui ne manque pas de supporter davantage le marché du soya, ce qui n’était pas le cas il n’y a pas encore si longtemps.
Bref, à la bonne heure, nous avons « enfin » quelque chose d’intéressant qui prend forme; qui donne un peu plus espoir que 2025 soit une meilleure année pour vendre son grain.
Mais, bien entendu, 2025 ne sera certainement pas une année comme les autres. Ce lundi 20 janvier, ce sera de nouveau M. Trump qui sera aux commandes des États-Unis. Je vous épargne toutes les hypothèses sur les éventuelles répercussions que pourrait avoir cette prise de pouvoir. Si vous avez été comme moi, vous avez certainement lu des dizaines et des dizaines d’analyses et de commentaires de spécialistes sur le sujet. L’un dit bleu, l’autre rose et l’autre, jaune. Bref, ce qu’on sait, c’est surtout qu’on ne sait pas vraiment dans le fond…
Et je crois bien que c’est pratiquement impossible de vraiment avoir une idée de ce que fera M. Trump. Car bien franchement, s’il a des idées, une vision et des intentions, je crois surtout qu’il est un grand auteur-compositeur. Il compose au gré du chaos qu’il alimente. Et c’est probablement l’une de ses plus grandes forces.
Nous sommes habitués à commercer, négocier et travailler dans des contextes où les parties s’accordent sur certaines normes et certaines logiques. Ce n’est pas le cas de M. Trump qui se fout des conventions et de l’ordre établi. Que par exemple de grands économistes émérites clament haut et fort que des tarifs risquent d’alimenter l’inflation aux États-Unis lui importe peu. « Agissons et nous verrons ensuite » semble davantage sa maxime. Et il navigue remarquablement bien dans cet environnement d’incertitudes, ce qui n’est certainement pas le cas pour la plupart des gens et des pays avec lesquels il négocie.
Bref, ce lundi, nous rentrerons dans une « nouvelle ère » avec M. Trump et nous en saurons peut-être bien enfin davantage sur ces intentions. À suivre…
Néanmoins, si on revient au marché des grains, avec l’âge et la barbe blanche qui est apparue, je retiens surtout qu’il finit toujours par s’orienter en fonction de ses paramètres fondamentaux; dans ce cas-ci, que la disponibilité de maïs et de soya s’est resserrée aux États-Unis et que, par ricochet, les prix des grains se montrent maintenant plus fermes.
Dans les 10 dernières années, nous avons eu des évènements que nous n’aurions même pas pu imaginer, avec des répercussions qui auraient pu être terribles au dire de certains analystes et spécialistes. Pour ne pas les nommer, il a eu la COVID-19 où le temps de quelques mois, l’économie mondiale s’est pratiquement arrêté. Nous avons eu ensuite la guerre en Ukraine qui n’a certainement pas été sans conséquence dans les premiers mois dans le marché des grains, à commencer par le prix du blé.
Mais, dans les deux cas, avec le recul, on constate que les prix des grains ont suivi leur cours comme la rivière retourne dans son lit après un orage qu’il l’a fait déborder.
Pour ceux qui ont à vendre leur grain, tout ceci nous dit surtout qu’avec l’orage « Trump », il est bien possible que les prix des grains mangent un coup derrière la tête. Après tout, les tarifs et une nouvelle guerre commerciale sino-américaine peuvent certainement faire plonger les exportations américaines de grains par exemple. Ceci ne serait rien de bon pour les prix à Chicago, pas plus que pour nos prix de grains ici, au Québec. En ce sens, avec la hausse des prix depuis deux semaines, je serais d’ailleurs certainement vendeur de maïs et soya présentement.
Mais, en bout de course, une fois l’orage passé, nous retournerons rapidement à surveiller les intentions d’ensemencements américains puis, et surtout, la météo au cours de la prochaine saison. Car que M. Trump soit de nouveau à la tête de la plus grande économie mondiale, que par ces décisions il puisse ébranler l’économie, le commerce et le marché des grains, il ne pourra jamais remplacer les sauts d’humeur de Dame Nature qui dicte depuis toujours la direction des prix des grains.