Certaines pratiques bénéfiques pour le climat seront plus faciles à adopter par les producteurs laitiers si elles permettent aussi d’améliorer la situation financière de l’entreprise. En voici 5.
Nous avons demandé à Édith Charbonneau, professeure à l’Université Laval et directrice scientifique du Laboratoire vivant – Lait carboneutre des Producteurs de lait du Québec, et son étudiante au doctorat sur ce projet de laboratoire vivant, Frédérika Nadon, d’élaborer une liste des actions les plus bénéfiques pour le climat et le portefeuille.
1. Réduire le nombre d’animaux de remplacement et réduire les périodes non productives
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Élever une génisse pour qu’elle devienne une vache dans le troupeau coûte cher, soit plus de 3500$ en charges variables. Or, chaque génisse génère aussi des gaz à effet de serre. Les génisses n’entreront pas toutes dans le troupeau laitier. Alors, pourquoi ne pas décider tôt dans leur vie de ne pas les élever?
«Donc, on s’est dit que de réduire le nombre d’animaux de remplacement, ça réduirait les gaz à effet de serre parce qu’au niveau de la fermentation entérique, ces animaux-là produisent du méthane, mais ça va permettre aussi de réduire les coûts parce que c’est cher élever une génisse», explique Frédérika Nadon.
Édith Charbonneau explique que le fait d’élever beaucoup de génisses fait en sorte qu’on va réformer tôt des vaches qui pourraient être encore profitables pour le troupeau.
«En ayant trop d’animaux, on est obligé de réformer des vaches et ça nuit à la longévité, et la longévité, ça a un effet direct sur la rentabilité de l’entreprise», explique-t-elle. Elle recommande donc de réduire le ratio génisse/vache.
Pour réduire les périodes non productives, elle recommande de se pencher également sur l’âge au premier vêlage. L’idéal est entre 22 et 24 mois. Pour plusieurs entreprises, c’est plus que cela. En réduisant cette période non productive, ça fait moins d’animaux qui produisent du méthane sur la ferme sans produire du lait et ça réduit les coûts.
Une façon de réduire le nombre de génisses à élever est d’utiliser de la semence sexée sur les meilleures vaches et de la semence de boucherie sur les autres. Édith Charbonneau explique que ça devient moins émotif d’assister à la naissance d’un animal de boucherie qu’une femelle laitière. C’est une stratégie de plus en plus populaire.
Pour atteindre l’âge au premier vêlage adéquat, la bonne pratique est de peser les animaux sur la ferme. Autrement, il est facile de dépasser les 55% du poids mature visé au moment de la saillie de la génisse. «Si on y va à l’œil, on risque de rater le bon moment pour l’inséminer», explique Édith Charbonneau.
La période de tarissement peut être aussi un aspect à travailler pour qu’elle ne dépasse pas les 60 jours.
2. Les 4B en fertilisation
Au niveau des champs, il est conseillé de suivre les recommandations des 4B en fertilisation: bon produit, bonne dose, bon moment et bon endroit.
«Les émissions de gaz à effet de serre au niveau des champs sont souvent liées à l’application de fertilisants», explique Frédérika Nadon.
Donc, en s’assurant de ne pas trop en mettre, on limite la production de gaz à effet de serre, mais aussi les coûts, tout en ayant un bon rendement.
3. Fourrages de bonne qualité
L’autre stratégie est de valoriser des fourrages de bonne qualité, notamment au niveau de l’amidon, de la lignine et des fibres au détergent neutre (NDF). Cela signifie qu’il faut produire des bons fourrages et de les récolter au bon moment, sans toutefois laisser de côté les rendements.
«Les animaux à qui l’on offre de bons fourrages de qualité vont émettre moins de méthane, mais on ne veut jamais oublier les rendements. Donc, on veut trouver un bon équilibre entre qualité et rendement», explique Frédérika Nadon.
Édith Charbonneau ajoute qu’en donnant des fourrages plus riches, cela permet de réduire la quantité de concentrés offerts aux animaux. C’est donc économiquement intéressant.
«L’autre avantage, c’est que si l’on a des fourrages de bonne qualité, ce sera tentant d’en produire et donc, d’en mettre plus dans les rotations qui auront alors plus de cultures pérennes», dit-elle.
Elle ajoute cependant qu’il faut éviter d’aller chercher une trop grande qualité qui obligerait à supplémenter en fibre. L’équilibre est donc le mot d’ordre.
4. Des légumineuses dans les prairies
Dans les champs, les légumineuses fixent l’azote. Donc, en incorporant des légumineuses dans les mélanges de prairies, cela limite l’achat de fertilisants.
Édith Charbonneau mentionne que la production de fertilisants génère des gaz à effet de serre. Pour le troupeau, les légumineuses sont une source de protéines, ce qui réduit les coûts de suppléments dans l’alimentation.
«En plus, les légumineuses, ça apporte une biodiversité supplémentaire», ajoute Frédérika Nadon.
5. Engrais verts, cultures de couverture et rotation
Les stratégies d’incorporation d’engrais verts, de cultures de couverture et une bonne rotation aux champs vont favoriser une bonne santé des sols qui vont avoir des effets sur les gaz à effet de serre.
Édith Charbonneau explique que cette stratégie offre des bienfaits économiques davantage sur le long terme que sur le court terme. À la longue, il y aura des bénéfices en réduisant l’utilisation des engrais et certaines cultures vont même répondre par une augmentation de rendements.
«Je pense qu’à long terme, favoriser la santé des sols, ce n’est pas seulement en lien avec la réduction des gaz à effet de serre, mais ça a un impact bénéfique global pour la ferme», explique-t-elle.
Il y a d’autres stratégies, mais selon Édith Charbonneau, les principales sont liées à la réduction du nombre de génisses par troupeau et les bonnes pratiques de régie aux champs. «Ça, c’est toujours gagnant, et au niveau économique et au niveau environnemental», dit-elle.
Cet article a été publié dans notre édition de janvier 2025 du magazine papier. Vous n’êtes pas abonné? Pour remédier à la situation et ne rien manquer c’est ici: Abonnement au magazine
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