Pourquoi le maïs fourrager est-il plus à risque de contenir des mycotoxines que le maïs-grain ?

L’infection des grains peut résulter de blessures infligées par des insectes

Publié: il y a 24 minutes

Fusarium sur l'épi.

Une enquête menée de 2013 à 2019 aux États-Unis1 montre que les 1013 échantillons de maïs fourrager analysés présentaient une teneur en mycotoxines presque deux fois plus élevée que celle observée dans les échantillons de maïs-grain. Plus des deux tiers contenaient une quantité mesurable de déoxynivalénol (DON), de zéaralénone (ZEN) ou de fumonisine (FUM), trois toxines produites par des pathogènes du genre Fusarium. Bien entendu, un niveau détectable ne signifie pas nécessairement que le seuil critique pour l’alimentation animale ait été atteint. Pour alléger le texte, l’appellation Fusarium regroupera ici les espèces F. subglutinans, F. verticilloides, F. graminearum et Giberella zea.

Pourquoi trouve-t-on souvent plus de mycotoxines dans le maïs fourrager? Comme il est récolté plus tôt que le maïs-grain, on pourrait s’attendre à ce qu’il en contienne moins, puisque la durée d’exposition aux microbes producteurs de toxines est réduite. Or, ces toxines ne s’accumulent pas uniquement dans le grain : on en retrouve davantage dans la tige, la rafle de l’épi ou le son, et seulement une fraction sur le grain. De plus, la voie d’infection de la plante influence la distribution des mycotoxines.

Infection de la tige par un pathogène du genre Fusarium.

L’infection des grains peut résulter de blessures infligées par des insectes comme le ver-gris occidental du haricot ou par les oiseaux. Ces plaies servent de porte d’entrée à divers pathogènes, dont les Fusarium. Leur croissance se concentre alors surtout sur les grains endommagés, même si la rafle peut également être colonisée.

Un autre site d’infection est le bouquet de soies, situé à l’extrémité de l’épi. Chez certains hybrides aux spathes plus longues, les soies tardent à sécher, créant un microenvironnement humide favorable à la germination de Fusarium. La colonisation débute sur les soies, puis progresse vers les grains et la rafle, du haut vers le bas.

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Enfin, comme mentionné dans un précédent article, une plante de maïs qui dépérit prématurément risque de voir sa tige envahie par des pathogènes du sol. La décoloration rosée observée à l’intérieur de la tige révèle souvent la présence de Fusarium capable de produire des mycotoxines.

Heureusement, la détection de Fusarium n’entraîne pas toujours des niveaux critiques de toxines. D’une part, les conditions météorologiques peuvent ne pas avoir favorisé leur production. D’autre part, certains hybrides sont capables de transformer la toxine en la liant à une molécule de glucose pour former un composé moins nocif, comme le DON-3G, ou encore d’interrompre la synthèse des toxines, laissant une plus forte proportion d’intermédiaires, tels que 3ADON ou 15ADON, moins toxiques que le DON. Il faut toutefois noter que le DON-3G, bien que détectable à la récolte, peut redevenir DON lors du processus de fermentation.

Comment réduire le risque d’ensilage contaminé ? D’abord, privilégier la culture du maïs fourrager après du soya plutôt qu’après du blé, puisque cette céréale est aussi sujette aux infections de Fusarium. Ensuite, le choix de l’hybride joue un rôle, à condition de disposer d’une cote de tolérance fiable. L’exercice est complexe : au Québec, dans les zones proches des rivières, on recherche des hybrides à longues spathes pour limiter les dégâts causés par les oiseaux. Or, ces spathes prolongent l’humidité et favorisent Fusarium. Autre dilemme : choisir un hybride qui demeure en santé plus longtemps réduit le risque d’infection des tiges, mais ce type d’hybride est peu prisé pour l’ensilage, car le grain durcit avant que la tige n’atteigne le taux d’humidité idéal pour la récolte.

Par ailleurs, la régie culturale (densité de semis, fertilisation, gestion des maladies foliaires) influence aussi la santé de la plante en fin de saison. Enfin, au moment de la récolte, l’ajout d’agents liants ou de produits antitoxines peut contribuer à atténuer le problème.

1 Weaver et coll 2021. Co-Occurrence of 35 Mycotoxins: A Seven-Year Survey of Corn Grain and Corn Silage in the United States. Toxins 13(8):516

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À PROPOS DE L'AUTEUR

Jean-Marc Montpetit

Jean-Marc Montpetit

Chroniqueur au Bulletin des agriculteurs

Jean-Marc Montpetit est sélectionneur de végétaux et agronome. Il fait aussi de la vulgarisation de concepts agronomiques auprès des agriculteurs.