Nos laboratoires vivants inspirent le monde entier

Un premier Forum sur les laboratoires vivants dans les agroécosystèmes a eu lieu à Montréal

Ferme Cristallina, laboratoire vivant

Après avoir été innovateur dans la mise sur pied des laboratoires vivants dans les agroécosystèmes, le Canada inspire maintenant le monde entier. La Commission européenne a même décidé d’implanter une centaine de laboratoires vivants du même type qu’on retrouve au Canada, nous explique le gestionnaire des laboratoires vivants pour Agriculture et Agroalimentaire Canada, François Chrétien. Avec son expérience dans le domaine depuis 2018, le Canada agit d’ailleurs en collaboration avec eux pour la mise en place de ces projets.

C’est donc sans surprise que le Canada a accueilli le premier Forum international des laboratoires vivants dans les agroécosystèmes qui a eu lieu à Montréal au début octobre. L’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAe), en France, et Ouranos se sont joints à Agriculture et Agroalimentaire Canada pour organiser cet évènement qui a regroupé environ 150 personnes d’une vingtaine de pays, en plus de personnes inscrites en virtuel. L’évènement avait lieu en marge d’un évènement international sur les changements climatiques, Adaptation Futures 2023.

Visite à la ferme

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L’évènement sur les laboratoires vivants a culminé le 6 octobre par une visite de la Ferme Cristallina, de Saint-Barthélémy, dans Lanaudière, qui faisait partie d’un des quatre premiers laboratoires vivants au pays, le projet Laboratoire vivant – Québec (2020-2023). Environ 80 personnes de 18 pays étaient présentes. 

Au total, plus de 100 producteurs agricoles ont participé à ce laboratoire vivant, dont 50 sont activement engagés dans l’expérimentation. Le producteur laitier et de grandes cultures, Michael Jeker, et sa famille font partie de ceux-là. Ils appliquent plusieurs actions pour améliorer la santé du sol et la biodiversité, en plus de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Ce premier projet de laboratoire vivant visait aussi à améliorer la qualité de l’eau du lac Saint-Pierre, situé au sud de la Ferme Christallina.

Forum international des laboratoires vivants dans les agroécosystèmes, Ferme Christallina
Environ 80 personnes de 18 pays étaient présentes pour la visite de la Ferme Christallina lors du Forum international des laboratoires vivants dans les agroécosystèmes. photo: Marie-Josée Parent

La Ferme Cristallina possède 90 vaches en lactation, 160 bovins laitiers et 147 hectares en cultures (maïs ensilage et grain, céréales de printemps et d’automne, soya et foin). Côté cultures, l’entreprise utilise des mélanges complexes de cultures de couvertures. En nourrissant ainsi le sol et les plantes, la croissance des cultures est favorisée. « Pour avoir de l’azote, il ne faut pas juste mettre des légumineuses, vous devez nourrir votre sol pour mettre du carbone dans le sol », explique Michael Jeker. 

Cet aspect a été confirmé par le chercheur Martin Chantigny qui a travaillé sur ce projet des laboratoires vivants. « Michael nous a dit qu’il avait de meilleurs résultats quand il utilisait différentes espèces, spécialement en ajoutant des graminées avec les légumineuses, dit-il. C’est vrai, vous devez incorporer du carbone si vous voulez stabiliser l’azote dans la réserve du sol. Je crois que c’est pourquoi nous avons de bons résultats dans ses champs. » Il a évalué différents aspects relatifs à la santé des sols et à la séquestration du carbone. En deux années seulement, ils ont vu une différence dans la structure du sol et la biologie du sol. Ils ont pu aussi observer chez ceux qui utilisent les cultures de couverture depuis plusieurs années – un producteur jusqu’à 10 ans – qu’il y avait une séquestration du carbone.

Forum international des laboratoires vivants dans les agroécosystèmes, Ferme Christallina
Le chercheur Martin Chantigny d’Agriculture et Agroalimentaire Canada faisait partie du Laboratoire vivant dans les bassins versants du lac Saint-Pierre, dont faisait partie la Ferme Christallina. photo: Marie-Josée Parent

Avec ses nouvelles pratiques, la Ferme Cristallina a réduit de moitié ses applications d’azote sur le maïs avec un meilleur rendement. Il n’utilise que 96 kg d’azote par hectare. Le seul aspect négatif est l’achat de semences qui est toutefois plus que contrebalancé par les avantages. Parmi les bons coups, la Ferme Christallina sème aussi des bandes riveraines. Elle le faisait déjà avant de se joindre au laboratoire vivant, mais sa participation lui a fait changer ses essences d’arbres.

À l’étable aussi

Michael Jeker a aussi une approche intéressante à l’étable pour le climat. Le troupeau croisé avec trois races permet d’avoir des animaux avec une longévité plus grande : quatre lactations. Malgré tout, Michael Jeker souhaite monter à cinq lactations. Des vaches qui vivent plus longtemps produisent moins de gaz à effet de serre par kilogramme de gras ou de lait produit, en plus d’être plus profitables économiquement pour l’entreprise parce qu’il y a moins de génisses à élever.

Les vaches sont sur litière de sable pour un meilleur confort. Les vaches sont traites par deux robots de traite. La ventilation est naturelle pour les vaches en lactation et les taures, mais en ventilation tunnel pour les veaux et une partie des vaches taries. Les veaux en groupes et à la louve ont droit à un chauffage au propane en hiver.

Forum international des laboratoires vivants dans les agroécosystèmes, Ferme Christallina, étable laitière
Les efforts pour réduire les émissions de gaz à effets de serre ne sont pas seulement présents dans les champs, mais aussi à l’étable. Les vaches de races croisées permettent notamment de garder les vaches plus longtemps. photo: Marie-Josée Parent

Agriclimat et autres projets

Le producteur laitier Alphonse Pittet de la Ferme Pittet de Saint-Tite, en Mauricie, s’implique aussi pour améliorer le bilan environnemental de la production laitière, avec le projet Agriclimat. Sylvestre Delmotte, consultant pour Agriclimat, a expliqué le projet. Avec l’objectif de carboneutralité en 2050 pour les Producteurs laitiers du Canada, les projets foisonnent de ce côté au Canada. Par ailleurs, le nouveau Laboratoire vivant – Lait carboneutre des Producteurs de lait du Québec vient d’obtenir du financement d’Agriculture et Agroalimentaire Canada. L’Union des producteurs agricoles a aussi un nouveau projet plus vaste que le précédent, qui couvre plusieurs productions. Au Canada, ce sont 13 projets de laboratoires vivants qui ont vu le jour.

Forum international des laboratoires vivants dans les agroécosystèmes, Ferme Christallina, Agriclimat, Alphonse Pittet
Le producteur laitier Alphonse Pittet et le consultant Sylvestre Delmotte ont présenté le projet Agriclimat et la Ferme Pittet qui en fait partie. photo: Marie-Josée Parent

Ce qui démarque les laboratoires vivants dans les agroécosystèmes, c’est la participation des producteurs. « Dans les laboratoires vivants, les producteurs agricoles ne sont pas seulement consultés au début de la recherche, ils sont des participants clés durant tout le projet d’innovation », explique François Chrétien.

Voici les grands principes des laboratoires vivants :

  • Innovation centrée sur l’utilisateur : le producteur agricole qui fait partie intégrante du projet;
  • Nombreux partenaires qui travaillent dans un but commun;
  • Travail en contexte réel de production.

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À PROPOS DE L'AUTEUR

Marie-Josée Parent

Marie-Josée Parent

Agronome et journaliste

Marie-Josée Parent couvre les productions laitière, bovine, avicole et porcine au Bulletin des agriculteurs.