Bien que ce ne soit une surprise pour personne, le couperet est tombé. Non, cette année, la récolte de maïs n’a pas été au rendez-vous au Québec. À la fin août dernier, la Tournée des Grandes Cultures en était arrivée à une estimation de 3,11 MTM (fourchette de 2,9 à 3,3 MTM). Le 4 décembre dernier, Statistique Canada a confirmé une lecture similaire avec une estimation à 2,9 MTM, en baisse de 18 % par rapport à l’an dernier.
Ce résultat se situe dans le bas de la prévision de la Tournée, ce qui s’explique en bonne partie par la baisse des superficies récoltées de -6,1 %, un élément qu’elle n’évalue pas. Lors d’une année normale, on parle plutôt d’un écart de l’ordre de -0,5 à -1,0 % entre les superficies semées et récoltées.
Bref, la récolte n’a pas été bonne cette année au Québec. Cela nous amène à nous interroger sur ce que devrait faire le prix du maïs dans les prochains mois.
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A priori, la réponse à cette question apparaît simple. Moins de maïs devrait concorder avec de meilleurs prix. Présentement, nous sommes autour de 270–280 $/tonne. Et si l’on se fie à la tendance « normale » de son comportement, surtout avec une mauvaise récolte derrière la cravate, on peut facilement conclure qu’il devrait tôt ou tard grimper à plus de 300–320 $CAN/tonne. Mais est-ce que ce sera le cas? Est-ce que ce pourrait être beaucoup plus? Rien n’est moins sûr.
Curieux, j’ai plongé dans le bilan de l’offre et de la demande de maïs au Québec depuis l’an 2000. À partir de ces données, j’ai extrait les années de mauvaises récoltes similaires à celle de cette année, avec des baisses annuelles de production autour de 20 %.

Ensuite, j’ai compilé le prix du maïs au Québec par mois, en m’attardant au comportement de la valeur de la base*. En principe, considérant ces mauvaises récoltes, je m’attendais à ce qu’elle soit plus forte. Ça semble d’ailleurs être le cas… dans une certaine mesure. Si vous jetez un coup d’œil au graphique ci-joint, par rapport à la normale, on observe une base qui est de 0,10 à 0,20 $US/bo. plus élevée que la moyenne. Donc oui, de manière générale, le prix du maïs est un peu plus cher lorsque la récolte est mauvaise au Québec.

Par contre, la grande question est surtout de savoir si le prix du maïs pourrait être vraiment « beaucoup » plus cher. Est-ce que ça vaut la peine, finalement, d’entreposer en espérant vendre à bien meilleur prix plus tard? Ce n’est pas nécessairement le cas.
On sait qu’en général, c’est à l’été ou au début de l’automne que le prix du maïs est souvent le plus intéressant, alors que le maïs se fait plus rare au Québec. Et avec de mauvaises récoltes, on devrait s’attendre à ce que ce soit davantage le cas, bien entendu. Mais comme le montre le graphique, ce ne l’est pas nécessairement…
En fait, on observe que, par deux fois sur cinq mauvaises récoltes, la valeur de la base a plutôt plongé en fin d’été ou au début de l’automne; le prix du maïs n’a donc pas été vraiment très intéressant, contrairement à ce que l’on aurait pu anticiper compte tenu de la mauvaise récolte.
La réponse à ce phénomène se trouve dans les importations de maïs. Si l’on retourne à notre tableau de bilan de l’offre et de la demande, on constate que, lors des deux années où la base a fondu en fin d’été ou au début de l’automne, les importations de maïs ont bondi au cours de l’année. Autrement dit, les acheteurs de maïs n’ont pas hésité, ces années-là, à sécuriser d’importants volumes afin de ne pas se faire prendre par une forte hausse des prix avant la récolte suivante.

Donc cette année, avec notre mauvaise récolte, toute la question sera de savoir s’il y aura ou non de fortes importations de maïs pour combler le manque à gagner. Si c’est le cas, alors on pourrait être déçu de constater que le prix du maïs fait plutôt du surplace. À l’opposé, s’il s’en importe trop peu, alors on peut effectivement envisager que le prix du maïs devienne très intéressant plus tard au cours des prochains mois.
Alors, s’importera-t-il plus de maïs cette année ou non? Les échos indiquent que oui, mais les chiffres ne sont pas encore disponibles pour le confirmer. Cela rend difficile l’évaluation de l’ampleur réelle des volumes de maïs qui seront importés au Québec. Ce qui est certain, cependant, c’est qu’il y aura des opportunités de vendre un peu plus cher dans les prochains mois, comme c’est pratiquement toujours le cas après la récolte. Il ne faut simplement pas « croire » qu’une mauvaise récolte signifie nécessairement des prix beaucoup plus élevés.
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*La “base” représente l’écart entre le prix du maïs sur le marché local et le prix du maïs à la Bourse de Chicago. Elle reflète donc les conditions d’offre et de demande propres au Québec, notamment la disponibilité du maïs, les coûts de transport et les importations. Une base forte indique généralement un marché local plus serré, tandis qu’une base faible traduit un marché bien approvisionné.
Bien que pour la plupart des producteurs, analyser et suivre le prix du maïs en $/tonne fasse plus de sens, dans les faits, pour bien suivre le contexte d’offre et demande du maïs, la base en $US/bo. est plus représentative. Elle exclut la valeur de la bourse et l’effet du taux de change, permettant de mieux comprendre ce qui se passe réellement dans le marché local. C’est pourquoi je l’utilise ici plutôt que de faire référence au prix du maïs lui-même.