L’agriculture durable, c’est tellement large comme terme. On parle de santé des sols, qui sous-entend un sol équilibré où le bon drainage, et l’absence de compaction, sont des incontournables. Un sol nourricier qui reste en place grâce aux couverts végétaux qui, eux, ravigotent sa flore et sa faune interne. Un gramme de sol contient un milliard de bactéries, de 100 000 à un million d’espèces différentes. À ce titre, le sol constitue l’un des plus grands réservoirs de biodiversité et de ressources génétiques de notre planète.

Avec nos connaissances d’aujourd’hui, on a le potentiel de rendre l’agriculture plus durable et nourricière. Alors pourquoi on radote encore des techniques de base pour assurer notre réussite vers ces nouvelles façons de faire? Quand je lis certains articles qui proposent des démarches de réduction d’application d’azote afin de réduire les gaz effet de serre tout en supposant qu’on pourrait s’attendre à des baisses de rendement, je trouve que ce n’est pas vendeur. Un énoncé de la sorte vient me chercher, alors que c’est tout le contraire aux champs si on travaille de la bonne façon.
Difficile pour un agriculteur d’accepter de faire mieux en pensant à une certaine baisse de rendement jugée acceptable quand on a été formé, élevé, voire même poussé à toujours viser et obtenir les meilleurs rendements possibles. De toute façon, on n’a guère le choix si on veut rester en affaires. On est payé à la tonne! Et non selon nos efforts.

Chez nous, le déclic s’est enclenché quand on a réalisé qu’on pouvait réussir d’aussi bons, voire de meilleurs rendements en s’occupant de la santé de nos sols. Par contre, il nous a fallu être patients, à la limite têtus, et rester assez humbles pour cheminer dans un processus de transformation de la ferme. Combien de fois on s’est remis en question. On a même reculé pendant une certaine période, mais pour toujours mieux revenir à nos objectifs.
Pour réussir, il faut le faire pour les bonnes raisons. Des raisons qui nous motivent et qui rapportent! En fait, une fois qu’on arrive à un certain équilibre de nos ressources tout en augmentant nos performances économiques, les bénéfices environnementaux reliés à ce nouveau processus de production arrivent tout seuls un à la suite de l’autre. On peut faire la même comparaison avec la technique du semis direct, qui selon la légende rurale est moins productive que la bonne technique conventionnelle. Et pourtant, ce n’est pas les exemples qui manquent pour démontrer que les résultats sont là.

Attention, je ne suis pas en train de dire que la technique conventionnelle ne fonctionne pas aujourd’hui. Je dirais plutôt qu’on peut faire mieux et différemment. N’ayez crainte, personne n’est obligé! On reste maître de nos décisions chacun chez nous. Par contre, plus les changements climatiques se feront sentir et plus les matières premières à base de pétrole coûteront cher et plus on se dirige vers un mur qu’on devra éviter très bientôt. Si on ajoute à ça la hausse vertigineuse des coûts des équipements pour opérer aux champs, ça commence à faire une lourde charge d’opération à supporter.
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Faire le plein pendant que j’essaie de faire le vide
Je me suis permis une petite escapade à un endroit où j’espérais ne pas trop voir de champs en culture. Question de faire le plein d’énergie en oubliant le plus possible les tracas.
Travailler avec un système stratégique de culture nous oblige à ajouter des colonnes dans notre chiffrier Excel. Nos petits pois verts sont tout de même notre culture la plus rentable sur la ferme. Alors pourquoi ne pas tout semer notre terre en pois verts? Parce que si on en fait trop grand, on s’expose à de futures mauvaises récoltes dues à certaines maladies. Point final. Donc je fais un sacrifice financier si j’en sème moins grand? C’est ce que mon Excel me dit et pourtant c’est Non!

On optimise notre système pour que chaque séquence de culture profite à la suivante. Dans le cas des pois verts, ça nous donne le levier parfait pour notre blé hiver sous clôture à neige végétale de lin. Le blé d’hiver nous permettra d’intégrer un trèfle en sous couvert qui, lui, nous permettra de capter de l’azote de l’air qui, de son côté, nous permettra de réussir des récoltes de 13 t/ha de maïs-grain avec seulement 75 unités d’azote. Une économie de 350$/ha sur les achats d’azote minéral. Une grande réduction des gaz à effet de serre et une amélioration de matière organique grâce aux 2 t/ha de racines de trèfle qui sont cinq fois plus constructifs que les pailles aériennes. L’agriculture durable est un investissement rentable. Il s’agit de l’aborder dans le bon sens! Profession agriculteur!