La grosse période des semis est enfin terminée. Ça me semble avoir été difficile sur l’ensemble de notre territoire à différents niveaux. Je ressens un certain soulagement et en même temps une certaine inquiétude pour la suite de la saison.
On a déjà vécu ça dans notre parcours des 43 dernières années. On est passé au travers puisque nous sommes encore agriculteur aujourd’hui. Par contre, ce genre de saison blesse et laisse des traces. Et quand j’essaie de relater les évènements de telles ou telles autres saisons qui nous ont offert de grands défis de résilience, je fais le lien avec certaines saisons qui m’ont marqué plus que d’autres. Chacune d’elles avaient son contexte et les émotions qui viennent avec.
J’ai une période en tête où on a vécu deux années difficiles l’une à la suite de l’autre. Quand ton fonds de roulement est négatif à la suite de la première ratée et que t’en ajoute une autre l’année suivante. Ça déstabilise. Tu perds confiance. Tu repasses dans ta tête ce que tu aurais pu faire de mieux. Ça grafigne l’intérieur et ça saigne en dedans. Comme un animal qui cache ses blessures parce qu’il ne veut pas attirer l’attention des prédateurs autour de lui.
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Une journée parfaite
J’arrive à ma 4e journée de récolte de blé d’hiver. Un 30 hectares de complété. Il faut dire qu’avec Gertrude, réussir plus de 10 hectares de récolte en une journée, ça prend une journée parfaite.
Tu as l’impression que les autres autour de toi semblent s’en être mieux sortis. Je dis semble parce que, en général, on cache bien les choses. Des dates de semis qui s’étirent, des bris d’équipement, etc. J’ai souvent le réflexe de dire : on ne lâche pas! On est fait fort! On a tendance à retourner ça en blague. Mais je me dis que ce genre de phrase devrait disparaître de mon vocabulaire.
Quand je dis : on est fait fort! Pour celui qui est dans une période de doute est-ce qu’il s’imagine qu’il est un faible s’il ressent un certain épuisement? Ou un sentiment de saison ratée qui lui fait ressentir un découragement à la vue de ce qui peut arriver? On le sait tous au fond que c’est possible de réaliser une récolte tardive qui n’aura peut-être pas la qualité optimale sans oublier les problèmes de récoltes tardives.
On devrait plutôt se demander : comment ça va? En acceptant une réponse qui peut nous surprendre et offrir notre aide si jamais le besoin se fait sentir. C’est plus motivant sentir l’appui de la gang que se retrouver tout seul à gruger du noir. Alors comment ça va chez vous? On s’entraide et on se donne des conseils bienveillants.
Profession agriculteur