Des terres qui ont de la mémoire!

Des erreurs à ne pas répéter. Des bons coups dont il est fier. Christian Dionne en a long à dire sur tous les efforts qu’il a mis à améliorer ses sols argileux.

Publié: 10 septembre 2024

Christian Dionne est bien connu pour ses Podcasts agricoles du Québec. Le Bulletin des agriculteurs est allé à sa rencontre.

On connaît Christian Dionne pour ses Podcasts agricoles du Québec, où il reçoit ses pairs pour discuter des défis de l’agriculture. Aujourd’hui, c’est lui l’invité. Sans surprise, le verbomoteur en lui nous dévoile à quel point pour lui, les grandes cultures, c’est avant tout une affaire de sols.

Premier arrêt : « une de mes pires terres ». Ici, à l’automne 2000, sur un retour de soya, son père a fait niveler pour combiner des planches et éliminer certaines des raies de curage. L’été avait été très pluvieux. Erreur.

« Le nivellement, faut que ce soit fait dans des conditions extrêmement sèches pour minimiser les impacts le plus possible. C’est pas parce que ça grisonne un peu en surface que le dessous est sec. »

Résultat : les rendements ont chuté dramatiquement dès l’année suivante. Il aura fallu plus de 20 ans pour qu’ils atteignent à nouveau des niveaux comparables à d’autres terres semblables.

Les sols argileux ont de la mémoire, se plaît à répéter Christian Dionne. La compaction, surtout celle en profondeur, ne s’efface pas en quelques années.

Lors d’une année en céréales, notre agriculteur a invité l’ingénieur du MAPAQ Victor Savoie (aujourd’hui retraité) et son agronome du Club Yamasol Danielle Carey pour faire des profils de sol dans ce champ problématique. Une couche de compaction a été trouvée à 45 cm (18 pouces) de profondeur.

Pour remettre cette terre en état, Christian Dionne n’a pas lésiné sur les moyens. « J’ai été très doux avec la terre. Je l’ai renivelée, je l’ai décompactée, j’ai fait des engrais verts, j’ai fait des céréales, j’ai fait plusieurs rotations. »

Tranchées filtrantes

Parmi ces moyens : l’implantation de tranchées filtrantes. Le champ s’étire du rang Saint-Joseph jusqu’au rang Grande-Plaine, sur une très faible pente. Il fait 2,3 km de long, sans fossés transversaux.

Six tranchées filtrantes ont été creusées dans le sens perpendiculaire au champ, sur une largeur d’environ 40 cm (15 po) et une profondeur d’environ 80 cm (30 à 36 po). Un drain agricole a été disposé au fond, puis relié aux drains situés dans le sens de la longueur du champ. Le tout a été recouvert de sable grossier, qui permet une percolation rapide de l’eau.

Les tranchées filtrantes demeurent à ce jour une mesure prônée par le MAPAQ pour améliorer le drainage des terres affichant une faible pente. Dans le guide technique Diagnostic et drainage souterrain des terres agricoles, disponible au CRAAQ, on parle d’une « structure qui permet d’intercepter et d’évacuer l’eau de surface, les résurgences d’écoulement hypodermiques ou de nappes phréatiques. »

Certaines tranchées filtrantes sont visibles sur Google Earth. Ces traces disparaîtront avec un nivelage.

Selon Christian Dionne, les tranchées filtrantes sont surtout efficaces pour gérer l’écoulement hypodermique, soit l’écoulement qui se produit sous la surface du sol, par exemple, via les raies de charrue, les coups de chisel ou les coups de cultivateur.

Ces tranchées peuvent se trouver à remplacer d’anciens fossés, mais leur fonction n’est pas de capter toute l’eau de surface, nuance Christian Dionne. « Ce n’est pas un siphon, ni un fossé. S’il vient un gros coup d’eau, l’eau va passer par-dessus. »

Notre producteur est convaincu de leur pertinence. Il en a aménagé dans la plupart de ses champs et même chez d’autres producteurs. « J’ai ma propre excavatrice. Je n’attends pas les subventions pour aller de l’avant! »

Les tranchées filtrantes captent une partie de l’écoulement de surface. Cependant, elles sont surtout destinées à capter l’écoulement hypodermique, qui se passe sous la surface du sol.

Sur ce champ qui a subi l’affreuse compaction d’une niveleuse à l’œuvre en terrain humide, 2024 marque le moment de vérité. Christian Dionne a décidé d’y implanter ses parcelles d’essais de variétés de maïs-grain, sur un retour d’orge de brasserie et d’engrais verts.

Les rendements des parcelles révéleront si tous ses efforts ont porté leurs fruits. À la mi-juillet, tout s’annonçait pour le mieux. Un coup de pelle révélait un bel enracinement dans un sol qui s’émiette facilement.

Un pain près de chez vous

Deuxième arrêt : un champ de blé d’automne à maturité, cultivé sans intrants chimiques, pour les Moulins de Soulanges. « C’est un blé qui va bientôt se retrouver dans un pain près de chez vous! » lance notre hôte avec fierté.

Le champ a été déboisé vers 1997. Il n’a pas bénéficié d’une période en pâturage ou en foin, comme ce fut le cas de beaucoup de terres déboisées dans l’histoire du Québec. Christian Dionne l’a nivelé, drainé et nourri de cultures de couverture. Aujourd’hui, la structure du sol est tout à fait enviable.

Le secret de la survie du blé d’automne? « Un égouttement de surface « sur la coche », un beau nivelage, aucune dépression dans le champ, aucune eau qui reste à la surface. » Cet égouttement de surface impeccable bénéficiera aussi aux cultures comme le maïs et le soya, insiste-t-il. « Au Québec, on gère de l’eau. »  

À La Visitation-de-Yamaska, Christian Dionne cultive 190 hectares.

L’avenir

Il reste encore du nivellement à faire dans certains de ses champs, mais Christian Dionne a déjà la tête à d’autres moyens d’améliorer ses sols. Sa rotation actuelle sur cinq ans (maïs-soya-maïs-soya-petite céréale) devrait bientôt passer à une rotation de trois cultures en trois ans. Il mise aussi sur un plus grand recours aux cultures de couverture.

Le principal objectif sera d’offrir aux sols des racines vivantes presque toute l’année. Après une céréale, il est facile d’implanter des engrais verts. Mais dans les champs de maïs et de soya, les racines n’occupent le sol que quatre à cinq mois par année. Il se promet d’appliquer des engrais verts à la défoliation du soya, comme de l’avoine ou du seigle.

Il souhaite aussi s’inspirer des pratiques des producteurs biologiques. Par exemple, en semant du trèfle dans du blé d’automne, pour fournir de l’azote à la culture suivante.

Prévenir la compaction sera toujours une priorité. « Plus t’es patient avant d’entrer au champ, mieux c’est. Attendre une ou deux journées, c’est fatigant. Mais au bout de la ligne, c’est payant. »

Cette patience a été mise à l’épreuve au début de la saison en cours. L’argile n’était jamais suffisamment sèche. Les semis du début mai ont été retardés. Pourtant, rendu au beau milieu de l’été, rien ne pointait vers des rendements inférieurs.

L’entreprise

Les Entreprises 2000 Christian Dionne inc.

Lieu : La Visitation-de-Yamaska, Centre-du-Québec.

Superficie : 190 hectares en cultures.

Cultures : maïs-grain, soya, soya de semence, orge de brasserie et blé d’automne.

Rotation : maïs-soya-maïs-soya-petite céréale.

En vidéo

Pour voir les autres articles des séries 2022 et 2023 des Sols d’exception, c’est ici.

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À PROPOS DE L'AUTEUR

André Dumont

André Dumont

Journaliste

André Dumont est vidéaste et journaliste spécialisé en agriculture et agroalimentaire. Il collabore au Bulletin des agriculteurs depuis 2007.