6 septembre 2001 – Même si les récoltes commencent à peine, nous pouvons d’ores et déjà affirmer que l’année 2001 passera à l’histoire comme une période noire pour l’agriculture canadienne. Les conditions climatiques avec lesquelles les agriculteurs ont dû composer cet été ont été comparées, à juste titre, au tristement célèbre « Dust Bowl » des années 1930. Il n’est pas impossible que, d’ici la fin de la période de récolte, la situation soit déclarée catastrophe naturelle d’envergure nationale.
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Dressons un bilan de la situation, en allant du Pacifique vers l’Atlantique. En Colombie-Britannique, certaines régions ont souffert de la sécheresse, tandis qu’à l’île de Vancouver le temps pluvieux risque de compromettre la récolte de pommes. L’Alberta et la majeure partie de la Saskatchewan sont complètement déshydratées. En ce moment, certains champs ressemblent plus à du pavage qu’à des terres arables. Les rendements prévus cette année seront les plus bas depuis la sécheresse de 1988. Les sauterelles posent un grave problème dans toutes les zones frappées par la sécheresse. L’herbe des pâturages est morte ou a déjà été broutée, ce qui force les éleveurs de bétail à se tourner vers les provendes. Il y aura pénurie de provendes cette année. Certains producteurs commencent à vendre leurs bêtes tout de suite parce qu’ils ne seront pas en mesure de les nourrir cet hiver. Pendant ce temps, le Manitoba et d’autres régions de la Saskatchewan se trouvent dans une situation diamétralement opposée. Des pluies trop abondantes détruisent les récoltes. L’Ontario prévoit des rendements inférieurs de 30 à 50 pour 100 à la normale. Les récoltes de maïs ont été dévastées. Une épidémie de pucerons a tué à peu près tout que la sécheresse avait épargné. Comme dans les Prairies, les récoltes de fourrage et les pâturages sont en piètre état. Le Québec s’attend à une perte nette de 210 millions de dollars pour ses producteurs, et le secteur de l’horticulture sera le plus éprouvé. Dans les Maritimes, une invasion de légionnaires uniponctués a amplifié les effets de la sécheresse. Les récoltes de pommes de terre de toute la région ont été touchées cruellement, tout comme les récoltes de fourrage. La Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve ont du mal avec leurs bleuets et l’Î.-P.-É. prévoit que ses cultures horticoles ne donneront que la moitié de leur rendement habituel.
Lorsqu’il s’agit d’incidents isolés, les agriculteurs sont capables de surmonter des difficultés comme celles-ci. Cependant, pour la plupart des agriculteurs du Canada, ces coups durs surviennent à la suite d’une longue série d’épreuves. La sécheresse perdure depuis trois ans dans certaines régions du pays. Le coût des intrants augmente plus vite que les profits. Les subventions généreuses dont profitent nos concurrents d’Europe et des États-Unis ont fait chuter le prix des céréales, et des mesures commerciales déloyales (comme l’embargo imposé l’an dernier par les États-Unis sur les pommes de terre de l’Î.-P.-É.) ont nuit sérieusement aux revenus des agriculteurs. Une tuile n’attend pas l’autre! Or, s’ils n’obtiennent pas un répit rapidement, les agriculteurs finiront par s’effondrer.
Plus que jamais auparavant, cette crise met à rude épreuve nos programmes de protection du revenu. Nous devons examiner le régime de protection sous toutes ses coutures pour voir s’il répond vraiment aux besoins des agriculteurs. Et si nous constatons des lacunes, nous collaborerons avec le gouvernement pour les corriger. Si le régime actuel ne répond pas aux besoins des agriculteurs, alors nous chercherons des façons de soutenir les agriculteurs dans l’immédiat afin >qu’ils puissent tenir le coup en attendant que des correctifs soient apportés au régime pour qu’il réponde à leurs besoins à l’avenir.
Toutefois, les agriculteurs ne seront pas les seuls à subir les contrecoups de la sécheresse. Les consommateurs canadiens-, voire l’ensemble de l’économie du pays, ressentiront aussi l’onde de choc. Pendant des années, les Canadiens ont pu se procurer des aliments d’une salubrité et d’une qualité exemplaires aux prix les plus bas au monde. Laisser cette crise venir à bout de nos producteurs agricoles équivaudrait à vendre notre filière agroalimentaire à des intérêts étrangers. Nous n’aurions alors plus aucun pouvoir sur la salubrité, la qualité et le prix des aliments vendus ici, chez nous. L’industrie agroalimentaire du Canada injecte près de 70 milliards de dollars dans notre économie, soit près de 9 pour 100 du PIB canadien. En cette ère de ralentissement généralisé de l’économie, nous ne pouvons pas nous permettre de laisser un autre secteur industriel prendre du retard.
Il est temps d’agir. Nos gouvernements des paliers fédéral et provincial ont dit clairement aux agriculteurs et aux citoyens du Canada qu’ils étaient là pour eux. Ensemble, nous avons le pouvoir d’aider les agriculteurs à sortir du creux de la vague, nous pouvons alléger le fardeau qui les écrase pour redonner toute sa vigueur à notre industrie agroalimentaire.
Site(s) extérieur(s) cité(s) dans cet article :
Fédération Canadienne de l’agriculture
http://www.cfa-fca.ca/