Vous les avez peut-être vues passer sur les réseaux sociaux, ces vidéos où il est question d’entailler les érables à l’automne. S’agit-il d’une fausse bonne idée ou d’une bonne idée tout court?
Stéphane Guay, biologiste et passionné de la production acéricole, dit les avoir vues aussi. « C’est un sujet qui revient à chaque année », dit-il. Son avis sur la question est cependant clair : « Ce n’est jamais un bon conseil d’entailler tôt », déclare-t-il. Les raisons en sont bien simples: une entaille fraîchement faite va toujours couler davantage et sera toujours mieux qu’une vieille entaille. Il faut s’attendre, en adoptant cette manière de faire, à une perte de production au moment de la vraie coulée, de l’ordre de 10 à 15%. Stéphane Guay rappelle qu’un trou fait dans un arbre va tenter de se refermer, ce qui fait qu’il faut les rafraîchir.
De plus, le tuyau peut également se remplir de sève et de microorganismes s’il est connecté à des entailles faites à l’automne. Il souligne un autre point important : moins on fait d’entailles à l’arbre, mieux c’est.
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Il se peut que des producteurs acéricoles n’aient pas le choix de procéder à un entaillage d’automne, souligne le biologiste. Certaines érablières sont plus difficiles d’accès et il faut prendre les moyens nécessaires pour entailler les érables pour le temps des sucres. D’autres érablières sont tout simplement trop grosses pour arriver à entailler à temps pour le début de la coulée. Il n’est pas rare maintenant de voir des érablières de plus de 100 000 entailles, rappelle-t-il.
« Si ça nous prend plus de cinq jours pour tout entailler, on oublie ça. On n’a pas le choix d’entailler plus tôt si on veut que tout coule en même temps », indique Stéphane Guay. De ce point de vue, une entaille faite avec soin en prenant son temps sera beaucoup plus productive qu’une autre faite précipitamment avant la coulée. « On parle de 50% de perte avec une entaille mal faite », rappelle-t-il.
Il faut aussi se demander quel est son objectif en tant que producteur acéricole. « Mon objectif personnel est de faire du bon sirop. Je sais qu’une entaille fraîche va donner du meilleur sirop au pic de la coulée. Je suis prêt à entailler plus tard que les autres, quitte à perdre le début de la coulée. » Par expérience, il sait que le meilleur moment localement pour entailler dans son érablière se déroule lors de la 3e semaine de février.
Tour dépend également de son tempérament. « Les gens anxieux vont préférer entailler tôt, par peur de perdre une coulée. » Il se peut que cette année, dit-il, l’entaillage d’automne soit payant, mais sur un horizon de 10 ans, il se peut aussi qu’on se trouve pénalisés pour les neuf autres années.
Les changements climatiques viendront peut-être bouleverser les manières de faire, un facteur certainement à surveiller dans les prochaines années, mais il reste que la météo demeure imprévisible à chaque printemps. « Il y a une part de gambling dans tout ça, on a aucune idée de ce que la saison aura l’air. »
On peut cependant s’outiller pour prendre de bonnes décisions. Stéphane Guay s’est équipé pour sa part de puits d’observation qui mesurent le niveau d’eau dans le sol. Comme les érables sont des arbres à racines peu profondes, il faut attendre de voir de l’eau à 40 centimètres de la surface pour qu’une coulée se produise. Collecter des données sur ses érables, années après années, est un autre moyen de s’aider à prendre de meilleures décisions. On peut aussi s’informer aux Journées acéricoles pour être mis au fait des dernières connaissances dans le domaine, ou encore regarder les capsules vidéo sur la production acéricole du site internet de Stéphane Guay, Érables et chalumeaux.
Il est certain toutefois que les producteurs souhaiteront une meilleure saison que celle de 2023 qui a été décevante et s’est soldée par d’importantes sommes réclamées à la Financière agricole en raison de la fin de l’arrivée précoce de la chaleur.
7 millions de nouvelles entailles
Les Producteurs et productrices acéricoles du Québec (PPAQ) ont procédé la semaine dernière au tirage et à l’attribution de 7 millions de nouvelles entailles pour des projets de démarrage et d’agrandissement. Cet ajout portera le nombre total d’entailles à un potentiel de 62,5 millions d’entailles d’ici avril 2026. Les PPAQ incluent 739 nouveaux acériculteurs et acéricultrices avec ce tirage.
L’émission de 7 millions d’entailles représente une augmentation de la capacité de production à terme de plus de 21 millions de livres de sirop d’érable par année, indiquent les PPAQ. « Nous avons pris les moyens pour produire plus de sirop. Tous ensemble, nous tenterons d’atteindre notre objectif de renflouement de la réserve d’ici cinq ans, tout en continuant à répondre à la demande de sirop d’érable, ici et dans plus de 70 pays », a indiqué par communiqué de presse Luc Goulet, président des PPAQ.