Après la frénésie du printemps et le branle-bas de combat pour l’approvisionnement en engrais en début d’année, il semble qu’une certaine baisse dans les prix se dessine au Québec, un peu à l’image de ce qui se produit au Sud de la frontière.
D’importantes nuances s’appliquent toutefois quant aux produits et à la nature de la diminution des prix, indique Benoit Pharand, président-directeur général de Réseau végétal Québec (RVQ). « Oui, ça baisse en ce moment. Mais ce ne sont que les produits azotés, comme l’urée et le 32 qui sont touchés (…) Il semble y avoir une tendance à la baisse. Il y a toujours une diminution à cette période-ci dans les semaines qui suivent les applications, mais ce qu’on me dit, c’est que les gens commencent déjà à se réapprovisionner. Ils planifient pour cet automne et 2023 (…) Les gens ne veulent pas revivre 2022. »
Si les prix diminuent, il ne faut pas s’attendre à ce que l’engrais affiche les mêmes diminutions que celles se produisant aux États-Unis, ajoute M. Pharand. « Est-ce qu’on peut s’attendre à des baisses de 33% ici comme en Floride? Non. On peut s’attendre à une certaine diminution pour la fin juin-juillet, même avec les frais de transport, mais les prix pourraient ensuite remonter, ou encore redescendre », dit-il, mettant l’accent sur la volatilité des marchés des engrais, fortement influencée par le contexte géopolitique actuel, marqué par le conflit armé en Ukraine.
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La mondialisation des échanges est aussi à pointer du doigt pour expliquer les bonds des prix qui se sont produits avant la guerre en Ukraine, souligne le président du RVQ. La courbe vers le haut de la demande était déjà présente à l’automne. La hausse des prix de l’énergie, qui comptent pour beaucoup dans la production d’engrais, avait commencé leur progression, elle-même alimentée par la demande post-pandémie. Les tendances des marchés ont toujours un impact sur les prix d’ici, un effet de la mondialisation, explique M. Pharand.
La situation au Québec est particulière puisque comme les autres provinces de l’Est du pays, telles que l’Ontario et les Maritimes, l’approvisionnement en engrais provient en partie de la Russie. La voie maritime du Saint-Laurent a favorisé le développement de ce marché avec des produits à bons prix, grâce à l’abondance de gaz naturel en Russie qui réduit les coûts de production des engrais.
Avec la surtaxe de 30% imposée par le gouvernement canadien en représailles à la Russie, les fournisseurs d’ici se sont tournés dans les derniers mois vers d’autres sources d’approvisionnement. La Russie est également perçue comme un marché incertain, un élément que tous veulent éviter. La stabilité est en effet devenue un critère important, ce qui le rend beaucoup moins intéressant. D’autres pays ont augmenté leur production, mais ces changements demandent du temps et même avec des prix en hausse, ces marchés sont vus comme étant plus sûrs.
Il faut toutefois oublier le prix de l’engrais tel qu’il était en 2021, selon le directeur du RVQ. Les coûts de transport et la rareté de la main-d’œuvre sont des éléments qui s’ajoutent à l’addition et qui ne risquent pas de disparaitre de sitôt. Si M. Pharand avait un conseil à donner aux producteurs, ce serait de s’asseoir rapidement avec leur fournisseur pour voir les besoins et discuter coûts et quantité. Le mieux pourrait être d’acheter dès le mois de septembre de l’engrais en sacs en 500 kg ou 1000 kg et l’entreposer, en y allant progressivement, à l’image des ventes de grains, illustre le président du RVQ.
Il est aussi peut-être temps d’établir une dynamique différente quant à ses fournisseurs. « Avoir de bonnes relations d’affaires est plus payant (…) L’agriculture était avant un secteur d’abondance. Mais maintenant, il y a beaucoup de pression sur les liquidités », un fait qui est vrai autant pour les producteurs que les commerçants, fait valoir M.Pharand. « On ne peut plus magasiner et attendre à la dernière minute. »
Une nouvelle stratégie pourrait aussi s’installer chez les commerçants dans un contexte où les prix réagissent beaucoup plus vite et l’incertitude est plus présente en s’approvisionnant plus à l’automne au lieu du début printemps.
Ce qui est sûr pour M. Pharand, c’est que les prix peuvent changer d’une semaine à l’autre. « Il faut suivre les prix, tout comme la météo et l’actualité. »