La culture fourragère au Québec est en mutation

Publié: 9 janvier 2022

La culture fourragère au Québec est en mutation

Le paysage des cultures fourragères connait une profonde transformation depuis plusieurs années au Québec mais jusqu’à quel point ces changements sont-ils importants et quels sont les pans les plus touchés?

Une présentation faite récemment par deux agronomes du MAPAQ dans le cadre des conférences annuelles de l’Association canadienne des plantes fourragères a permis de mettre des chiffres sur la situation et de dresser un portrait de l’industrie et des tendances qui se dégagent.

Quelques constats ont d’abord été dressés par les agronomes Damien Chaput et Michel Morin qui ont présenté les chiffres les plus récents sur la question. Selon les données de 2021, ils ont confirmé que le commerce de foin connait un essor certain, ce qui se combine à un recul des superficies consacrées aux fourrages, le tout se déroulant dans un contexte d’enjeux environnementaux causés par les changements climatiques.

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Depuis 2011, la production ainsi que la consommation en fourrages est stable a confirmé M. Chaput. Un changement a toutefois eu lieu depuis 2018 avec une baisse de la production, surtout dû à la sécheresse. Le cheptel de bovins laitiers dans la province est stable avec plus ou moins 350 000 vaches tandis que la production de lait est en hausse. Elle est passée de  8696 kilos à 9687 kilos de 2016 à 2020.

Le commerce de foin mondial a connu une hausse de 23% depuis 2016 pour atteindre une valeur de 4,3G$. Les États-Unis produisent toutefois la moitié de cette production. La valeur des exportations canadiennes s’élevaient à 106 M$ en 2020, en hausse par rapport aux 71 M$ affichés en 2016. Les principaux marchés du Québec sont les États-Unis, le Japon et la Corée du Sud. La variation des prix en 2020 explique la hausse de la valeur de 30%.

Le Québec,  qui représente 4% du commerce de foin vers l’étranger, a connu une hausse de 19% dans le prix en 2020. Les exportations québécoises sont stables à environ 50 000 tonnes par année. Le volume précis en 2020 était de 52 445 tonnes avec comme destination principale le Massachusetts, le New Hampshire, et la Floride. Le marché américain et extérieur est toutefois en croissance dans les dernières années. Les importations québécoises demeurent minimes à 1404 tonnes pour une valeur de 255 466 $, en provenance surtout des États-Unis et de l’Allemagne.

Au Canada, les recettes provenant du foin sont estimées à 595 M$ tandis que celles des semences sont de 158 M$. L’Ouest du pays accapare la portion des semences tandis que l’Est (Ontario et Québec) produit principalement le foin.

La valeur du foin a bel a bien grimpé dans les dernières années au Québec. Le prix à la tonne en 2016 (avec 85% de matière sèche) était de 162$ alors qu’il était de 245$ en 2020.

La culture fourragère au Québec

Selon l’expert du MAPAQ, Michel Morin, les chiffes démontrent bel et bien un déclin des superficies consacrées aux plantes fourragères, bien que la baisse soit moins grande au Québec qu’au Canada. Dans la province, le recul est de 8% entre 2016 et 2020 (de 658 500 ha à 609 000 ha) tandis que la baisse est de 11% pour la même période au pays. À titre de référence, les États-Unis connaissent aussi une diminution des superficies en culture fourragère mais de l’ordre de 2% à 210198 070 hectares en 2020.

Les difficultés liées à la météo ont toutefois eu un impact beaucoup plus grand sur la production que la diminution des superficies. La production est passée de 6,3 tonnes par hectare en 2016 à 3,9 tonnes en 2020. Le Canada et les États-Unis ont connu des problèmes similaires qui se sont traduits par des baisses de 27% au Canada et de 5% au sud de la frontière pour les mêmes périodes. Et si les superficies de maïs ensilage ont augmenté de 16% de 2016 à 2020 au Québec, la production n’a toutefois pas suivi avec une baisse de 18% durant la même période.

M.Morin a toutefois noté une légère augmentation des superficies en 2021 après le déclin amorcé depuis 2015. Un plateau aurait peut-être été atteint et deux raisons pourraient expliquer cette stabilisation. La première est que le cheptel laitier, qui est stable, a besoin de fourrages pour s’alimenter, alors qu’il est aussi possible qu’avec la sécheresse, les producteurs se sont vus obligés de convertir des terres cultivées en grains en foin afin de nourrir et maintenir leur production.

En 2020, les régions de Chaudières-Appalaches et du Bas-St-Laurent sont arrivées en tête des superficies de fourrages au Québec avec respectivement 19% et 16%.

Les entreprises commerçant le foin le font à 50% sur de petites superficies, soit en moyenne 37 hectares. Un autre 29% cultive en moyenne 136 hectares. Et ce sont en majorité des producteurs laitiers qui commerçaient à hauteur de 48% tandis que les éleveurs d’animaux de boucherie formaient un autre 20%. En 2020, plus de 1400 entreprises au Québec avaient vendu du foin, ce qui est une hausse de 20% entre 2012 et 2020.

À l’aide de ces données, les deux experts dressent quelques constats. Les entreprises spécialisées en commerce de foin augmentent, ce qui est aussi le cas des exportations, même si la production de fourrages au Québec a diminué dans les dernières années. La récente hausse des superficies pourrait pour sa part provenir du cheptel laitier dont le nombre est stable, tout comme la demande pour le foin qui maintient une vitalité du côté du commerce, surtout que la valeur du foin a connu une hausse importante. Les enjeux environnementaux préoccupent de plus en plus avec les sécheresses qui ont fait mal aux rendements depuis 2018. Sur ce point, messieurs Morin et Chaput indiquent que le MAPAQ a mis sur pied un plan d’agriculture durable qui s’échelonne de 2020 à 2030 dont le but sera d’améliorer la santé des sols et la conservation de ces derniers.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Céline Normandin

Céline Normandin

Journaliste

Céline Normandin est journaliste spécialisée en agriculture et économie. Elle collabore également au Bulletin des agriculteurs.