Comment faire couler la COP15

Si je me concentre sur ce qu’on peut faire sur notre ferme, le travail reste gigantesque

Publié: 3 janvier 2023

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Comment faire couler la COP15

La COP15 sur la biodiversité a retenu une grande attention médiatique en fin d’année 2022. Du haut des airs : un consensus jugé historique sur les grands enjeux généraux. Le défi maintenant, c’est d’appliquer de nouvelles façons de faire quotidiennement pour que les résultats se réalisent sur le terrain.

Si je me concentre sur ce qu’on peut faire sur notre ferme, le travail reste gigantesque. Je réalise que les succès environnementaux qu’on réussit aujourd’hui sont le fruit d’une foule de petites et plus grandes innovations intégrées depuis les 20 dernières années. Je maintiens encore que l’agriculture, et surtout les agriculteurs, font partie de plusieurs solutions face aux changements climatiques tout en favorisant le maintien ou la progression d’une plus grande biodiversité. Plusieurs agriculteurs sont déjà en mouvement et innovent dans leurs façons de faire.

Imaginez en faire encore plus en huit ans! Vu de l’extérieur, ce qui m’agace de la COP15, c’est que les discussions semblent toujours exiger de nouveaux objectifs toujours plus hauts sans sembler considérer ce qui se fait déjà de bien. J’ai donc souvent la perception qu’on idéalise des actions parfaites et qu’on jette du revers de la main tout ce qui peut sembler imparfait.

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Et pourtant à mes yeux l’important c’est d’être en mouvement vers de nouvelles façons de faire. Pour y arriver, l’humain doit traverser plusieurs étapes : résistance, hésitation, décision, préparation, essai, intégration, innovation et curiosité.

Étapes qu’on traverse tous sur différents laps de temps selon notre profil. Le meilleur moyen d’aller plus rapidement : accompagner, promouvoir, soutenir et reconnaître le leadership et le transfert des connaissances. C’est un puissant moteur d’adhésion. Sans oublier de reconnaître les actions en cours jugées souvent à tort imparfaites.

Pourtant, les innovations d’aujourd’hui ont dû traverser ces périodes moins parfaites. Peut-être que ça fait partie du nœud du problème. À force de viser la pure perfection, on saute les étapes d’adaptation. L’agriculture est diverse et appelle au métissage des techniques dans le respect de l’équilibre de chacune des fermes.

Nous sommes passés par différentes étapes qui évoluent et évolueront encore dans les prochaines années : travail réduit, semis direct, abandon du semis direct, reprise du semis direct sur de nouvelles bases, couverts végétaux, semis sur couverts végétaux. Agriculture regénératrice? Même pas certain qu’on réponde à la définition que certains lui donnent. Nous ne sommes pas parfaits et c’est bien ainsi. On s’inspire de ces techniques en les intégrant dans notre système.

Les bras me tombent quand un agriculteur en mouvement renommé pour ses compétences se fait poliment sermonner par ceux qui défendent leur modèle qu’ils jugent plus parfait. Qu’on gaspille toujours et encore 40% de notre nourriture jugée trop chère. Sans compter notre surconsommation calorique quotidienne. Que certaines de nos instances municipales préfèrent payer des gens qui coûtent certainement 50000$ par année pour donner des contraventions pour quelques pouces manquant sur une bande riveraine au lieu de donner un coup de pouce en investissant le même 50000$ dans un programme qui soutient l’intégration d’une biodiversité bonifiée. Et pourtant, c’est reconnu qu’on avance plus vite en accompagnant qu’en accusant! Aussi bien comprendre que nous sommes dans le même bateau. On a besoin de tout le monde et la mutinerie n’est pas une option. On a tous de vieux réflexes à revoir maintenant si on veut atteindre nos objectifs en huit ans! Sinon, on sera responsable d’avoir fait couler la COP15. On agit parce qu’on fait partie de la solution. Reste à le faire reconnaître. Profession agriculteur.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Paul Caplette

Paul Caplette

Agriculteur et collaborateur

Paul Caplette est passionné d’agriculture. Sur la ferme qu’il gère avec son frère en Montérégie-Est, il se plaît à se mettre au défi et à expérimenter de nouvelles techniques. C’est avec enthousiasme qu’il partage ses résultats sur son blogue Profession agriculteur.