Bruxelles (Belgique), 29 janvier 2002 – La Commission européenne proposera mercredi de limiter les aides agricoles et régionales accordées aux premiers candidats à l’adhésion afin de rendre l’opération financièrement et techniquement gérable.
Selon un document obtenu par Reuters, les agriculteurs des dix pays en mesure d’adhérer en 2004 ne percevraient pendant les premières années qu’un quart des aides directes aux revenus obtenues par leurs homologues des Quinze, une période de transition de 10 ans étant prévue avant de parvenir à 100%.
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Les fonds structurels seraient limités à 4% du PIB des nouveaux venus, avec les mêmes critères que pour les Quinze.
Grâce à cette approche qui permet de limiter les dépenses dans deux secteurs représentant plus des deux-tiers du budget de l’UE, l’élargissement serait financé sans problème à l’intérieur du plafond des dépenses prévu en 1999 à Berlin pour les années 2000 à 2007, souligne-t-on de source communautaire.
Les chefs de cabinet des commissaires européens sont parvenus samedi à un consensus sur ces propositions, qui selon des responsables de la Commission, se situent dans le haut de la fourchette de ce que l’UE peut mettre sur la table.
« Certains commissaires les ont même jugées trop généreuses », estime un responsable de l’exécutif européen.
Les pays candidats, qui revendiquent un bien meilleur traitement, afficheront vraisemblablement leur déception, mais la négociation, qui est à sens unique, leur laisse peu de marge.
Encourager la restructuration
« Il y aura une déception chez les candidats parce qu’ils s’attendent à recevoir beaucoup », explique un commissaire.
Ces propositions serviront de base aux gouvernements des Quinze pour élaborer leurs « positions communes » qui seront soumises aux candidats dans les négociations d’adhésion.
Si les Quinze veulent tenir le calendrier prévu – achever les négociations fin 2002 avec les candidats qui seront prêts, ce qui permettrait l’adhésion de dix pays au maximum dès 2004 -, ils doivent se mettre rapidement d’accord entre eux.
L’agriculture est le dossier le plus délicat, les pays candidats ayant réclamé un traitement égal pour leurs fermiers.
Pour la Commission, c’est impossible pour plusieurs raisons.
« Si les aides directes sont introduites trop rapidement dans les pays candidats, leurs effets positifs à court terme sur les revenus agricoles pourraient être annulés par leur impact négatif sur la restructuration », peut-on lire dans le document.
Des aides directes trop importantes figeraient les structures dans un pays comme la Pologne, où le gouvernement lui-même considère que moins d’un million d’exploitations – sur les 2,5 millions qui existent actuellement – sont viables.
En outre, les aides directes étant destinées à compenser les baisses des prix subies par les agriculteurs des Quinze lors des réformes de la PAC de 1992 et 1999, il est logique que les pays de l’Est, dont les prix d’intervention sont souvent inférieurs à ceux de l’UE, ne soient pas entièrement compensés.
Enfin, sauf à réformer la Politique agricole commune (PAC), ce qui prendrait des années et retarderait l’élargissement, offrir 100% d’aides directes aux candidats ferait exploser le budget de 40 milliards d’euros de l’Europe verte.
En 2004, les aides directes octroyées aux candidats seraient donc de 25% seulement de ce qu’elles sont pour les agriculteurs des Quinze et seraient augmentées de 5% par an dans une première phase. Le pourcentage de 100% serait atteint en 2013.
La procédure d’octroi serait simplifiée en raison de la taille réduite des fermes dans les pays de l’Est: les aides seraient versées par hectare et sans obligation de produire.
Aides à l’installation des jeunes
Enfin, pour calculer le niveau des quotas de lait et de sucre, c’est le niveau de la production entre 1995 et 1999 qui serait utilisée comme référence de base pour tous.
Les candidats bénéficieront toutefois d’une importante aide au développement rural – primes au départ à la retraite, aides à l’installation des jeunes et financement des organisations de producteurs – afin de faciliter la restructuration.
Les espoirs des candidats sont tout aussi importants en ce qui concerne les fonds d’aide régionaux – plus de 30 milliards d’euros par an – pour rattraper leur retard structurel.
L’approche de la Commission européenne est de confirmer les décisions prises à Berlin, où les dirigeants européens avaient stipulé que les fonds communautaires ne pourraient dépasser 4% du PIB des pays membres, un chiffre jamais atteint dans l’UE.
Le PIB moyen par tête des candidats n’atteignant que 45% de la moyenne communautaire, contre 77% pour les trois pays les plus pauvres de l’UE (Portugal, Grèce et Espagne), cela limitera considérablement la facture pour l’Union européenne.
Cette dernière propose toutefois d’augmenter à 30% du total des aides régionales le « fonds de cohésion » qui finance les grands projets d’infrastructure en matière de transport et d’environnement, contre 18% pour les bénéficiaires actuels.
Cette parcimonie permettra de financer aisément ces mesures à l’intérieur du plafond prévu pour les dépenses à Berlin.
En 2004, les candidats bénéficieraient de quelque neuf milliards d’euros de fonds (deux milliards pour l’agriculture et sept milliards pour les fonds), soit 123 euros par habitant.
En 2006, ce chiffre monterait à 14 milliards d’euros (quatre pour l’agriculture et 10 pour les fonds), soit 137 euros par habitant, contre 242 pour les actuels trois pays « pauvres ».
Mais tout sera à nouveau remis sur la table dans la gigantesque négociation qui se déroulera à partir de 2005 sur le budget de 2007 à 2013, la réforme de la Pac et des fonds régionaux, le tout avec 25 pays disposant d’un droit de veto.
Source : Reuters