Vendredi dernier j’ai publié sur les médias sociaux cette courte citation accompagnée de deux illustrations : « Un champ de haricots secs en culture bio au côté d’un champ de haricots secs en culture conventionnelle. Je m’interroge… Réflexion. »
J’avoue que j’ai fait exprès de laisser planer le doute quant à savoir quelle photo représentait le champ conventionnel. La grande majorité des commentaires laissaient sous-entendre que le champ moins propre était probablement le champ bio. Ben c’est certain, Caplette est conventionnel alors il plante le bio! Comme si le fait que je sois un agriculteur qui travaille dans un système conventionnel laissait sous-entendre que je m’amuse à jouer à lequel est le meilleur. Hey! Moi des histoires de : ton père est plus fort que le mien, ou mon tracteur de telle couleur n’a jamais de problème… Ben oui. Pourtant, les garages agrandissent leurs espaces de réparation et ils manquent de mécaniciens!
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Faire le plein pendant que j’essaie de faire le vide
Je me suis permis une petite escapade à un endroit où j’espérais ne pas trop voir de champs en culture. Question de faire le plein d’énergie en oubliant le plus possible les tracas.
Nos échanges, nos choix sont souvent polarisés. Noir ou blanc, semi direct ou conventionnel, masque ou anti masque, amateur de vert ou de rouge, démocrate ou républicain etc. Comme s’il ne pouvait pas y avoir certaines nuances ou d’entre deux. Tsé, tu peux être républicain, mais t’es pas obligé de voter pour un clown! :-) Alors pourquoi si j’illustre deux photos bien différentes et que je m’interroge ou entame une certaine réflexion ça pourrait nous conduire à une probable confrontation?
Je peux par contre réfléchir à comment je peux améliorer mon système de culture. Cette année avec la sécheresse les herbicides n’ont pas aussi bien fonctionnés alors que les travaux mécaniques de désherbages ont eu les conditions idéales. Et encore là certaines mauvaises herbes ont débordé d’imagination pour créer quelques surprises. Ce n’est pas pour rien qu’on appelle ça des mauvaises herbes. Elles s’adaptent facilement à toutes sortes de situations. Maintenant qu’on a réduit l’usage de nos pesticides de 40% je constate qu’il faut encore améliorer notre façon de travailler si on veut réussir à pousser encore plus loin nos performances.
On veut maintenir notre matière organique, éviter les travaux mécaniques tout en réduisant nos pesticides en même temps. Pas évident pendant des saisons extrêmes. Et dire qu’avec les changements climatiques les extrêmes deviendront de plus en plus la norme. Alors ce n’est pas le temps de me plaindre, mais bien d’agir, d’observer et de m’ajuster pour être prêt. La solution : « le métissage des techniques ». Intervenir de façon plus chirurgicale, insérer la possibilité de travaux mécaniques de sarclage, introduire des plantes de couverture et s’organiser pour occuper l’espace. Eh oui! La nature a horreur du vide. On ne contrôle plus les mauvaises herbes. Je dois apprendre à les connaître, les gérer pour mieux les contrôler.
Cette année nos pulvérisations en bandes ont fonctionné à plus ou moins 75%. On a dû revenir faire une pulvérisation en pleine canicule tôt le matin pour obtenir le meilleur résultat possible. Les résultats n’étaient pas parfaits. On ne voulait surtout pas ajouter d’herbicides alors on a ressortit le sarcleur pour nettoyer les entre-rangs. Deux passages en pleine sécheresse ont fait un bon travail. Quand les premiers millimètres de pluie sont tombés l’herbicide en bande semble s’être réveillé, mais au centre du rang sans traitement les mauvaises herbes sont reparties de plus belle. C’est impressionnant de loin, mais pas si pire de proche. On attendait le moment parfait pour passer l’écimeuse dès que les choux gras relèveraient la tête juste au-dessus des haricots. Tout à fonctionné à merveille.
Et oui le champ sale est bien le nôtre et le champ parfait un champ bio parfaitement contrôlé tout près de chez nous. Notez que si ça avait été le contraire j’aurais publié quand même les deux photos (en prenant bien soin d’en discuter avant avec l’agriculteur). Parce que, au fond, ce n’est pas le jugement d’un système par rapport à un autre, mais bien le résultat d’un processus d’adaptation aux conditions du champ. Quand on a de vieux réflexes c’est tout un processus d’apprentissage et d’ajustement d’arriver à bien agir sur le terrain en respectant le plus possible nos objectifs. On y travaille et c’est avec nos erreurs qu’on apprend jusqu’où on peut aller. Profession agriculteur.