Disparaître

Ce qui me touche, c’est qu’on puisse disparaître chacun à notre tour et qu’au final ce qui est important c’est que ça ne distorsionne pas notre sécurité alimentaire.

Publié: 28 juin 2022

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blogue paul caplette

Un article dans la presse du 25 juin faisait le point sur une famille de maraîchers et plusieurs autres qui se sentent découragés. « Alors que le Québec veut accroître son indépendance alimentaire, les producteurs maraîchers qui le nourrissent font face à des coûts qui augmentent, à des revenus qui stagnent et à une réglementation qui devient impossible à gérer, au point que plusieurs baissent les bras. » Quelques jours avant on apprenait qu’une ferme maraîchère majeure au Québec vendait une partie de ses activités à une compagnie américaine. Hey! On ne niaise pas. C’est une ferme performante reconnue innovatrice qui laisse une partie de ses actifs. Je ne juge pas la décision, je ressens surtout de la peine de l’extérieur surtout quand je lis qu’au final on à rien à craindre car on prétend que ça n’aura aucun impact sur notre autonomie alimentaire. Ah fiou! Nous sommes OK. Ce qui me touche, c’est qu’on puisse disparaître chacun à notre tour et qu’au final ce qui est important c’est que ça ne distorsionne pas notre sécurité alimentaire. Quand on laisse un actif ou une production ça nous arrache toujours une partie du cœur parce qu’en général c’est quelque part dans notre esprit une passion qu’on laisse pour passer à autre chose. Pour avoir fait des cornichons, asperges, tomates, dans ma jeunesse… je vivais la même jungle commerciale mais à plus petite échelle. Faut être fait fort et un peu fou pour réussir en maraîchage. Un tour de force pour ceux qui durent mais à quel prix. Ils ont tout mon respect! En lisant l’article j’avais quand même un petit sourire en coin quand on mentionne pratiquement se retrouver en vacance en passant aux grandes cultures. J’avais ce même sentiment à l’époque de notre conversion mais quand on est passionné d’agriculture on fini par y mettre autant d’énergie et de temps. L’avantage des grandes cultures c’est que les prix sont libres mais réglementés et supportés par le marché mondial tandis que dans les légumes j’ai le sentiment que ça ne s’est pas beaucoup amélioré côté transparence et détermination des prix.

En attendant, les agriculteurs sont pris dans un système de compétition à l’extrême ou le prix final fait loi, faisant ressortir ma publicité préféré d’une grande chaîne : Négocie! Négocie encore! Pour offrir le meilleur prix à nos consommateurs. En sous-entendant : Coupe ! Retourne des caisses! À la limite si tu t’aperçois que la récolte est abondante cette semaine coupe encore! De toute façon ils n’ont pas le choix de les sortir du champ. Je me demande ce que les consommateurs vont dire le jour ou il n’y aura plus de maraîcher à l’autre bout de la ligne. J’ai l’impression que plusieurs pensent que c’est impossible. Comme il n’y a pas longtemps on croyait impossible une crise alimentaire mondiale. Pour ma part je m’apprête à disparaître dans la nature pour quelques jours. J’ai dû accélérer le pas ces derniers jours afin de me libérer. Quelques détails à finaliser ce matin et ensuite beu bye! Et si j’en échappe quelques bouts au final ça me fera une vacance à mes frais. Vous savez tous qu’en agriculture on est payé à la tonne ou aux litres livrés sans aucun regard sur les heures qu’on y passe et l’huile de bras qu’on dépense. On a beau aimer ça! L’amour ça ne fait pas vivre. Faut surtout prendre le temps de vivre un peu si on veut un peu d’amour.

Profession agriculteur

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À PROPOS DE L'AUTEUR

Paul Caplette

Paul Caplette

Agriculteur et collaborateur

Paul Caplette est passionné d’agriculture. Sur la ferme qu’il gère avec son frère en Montérégie-Est, il se plaît à se mettre au défi et à expérimenter de nouvelles techniques. C’est avec enthousiasme qu’il partage ses résultats sur son blogue Profession agriculteur.