Plus j’avance en âge et plus il y a de gens autour de moi qui prennent leur retraite. J’ai l’impression de rouler à fond de train et tout d’un coup je m’aperçois que plusieurs prennent la sortie. Hey déjà! Coup donc, ai-je manqué ma sortie!
Des connaissances, des représentants, des conseillers avec qui j’ai travaillé au fil des dernières années. Sans oublier le nombre de discussion off the record du genre : « moi il me reste cinq ans. » « Hein! T’arrêtes toute pis toute? » « Oui mon temps est fait. » On en discute ensemble. Il paraît que ça se prépare une retraite. Surtout si on veut la réussir. On discute de notre âge, de nos futurs projets.
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Je me suis permis une petite escapade à un endroit où j’espérais ne pas trop voir de champs en culture. Question de faire le plein d’énergie en oubliant le plus possible les tracas.
Pour ma part, je ne réalise pas mon âge. Au fait c’est quoi une retraite pour un agriculteur? Il y a tellement de définition du mot retraite. Un producteur laitier qui a fait la traite aux mêmes heures pendant 30 ans juge qu’il est en mode préretraite quand il laisse le troupeau pour s’amuser en grande culture. Et moi, qui suis spécialisé en culture, je me considère en préretraite quand je peux enfin me permettre de réaliser mon rêve d’être agriculteur. Faire de l’agriculture est une chose. Être agriculteur est une autre étape. Ça vient avec le temps, avec l’expérience, le senti et la vision. On découvre qu’on peut aller encore plus loin. C’est comme si on changeait de carrière. De nouveaux défis, toujours à la même adresse, dans le même environnement, sur les mêmes terres qu’on cajole.
On connaît par cœur la terre à Camille, le bois à Monsieur Lemoine, ou les particularités du champ de la pipe. Nos rotations, nos façons d’aménager nos bandes riveraines, viser l’équilibre des ressources. Nos coups portent et ça nous permet de traverser au-delà de notre profession. On n’a pas l’impression de travailler, on s’amuse en travaillant. Et non, les tâches ne sont pas toujours agréables, mais on voit plus loin. On sourit quand on fait le gros ménage de Gertrude dans la poussière parce qu’on sent déjà l’excitation d’entendre le ronron de Gertrude qui englouti 7-8 tm/ha de beau blé au beau soleil.
Quand je pense à d’où on vient et que je constate notre cheminement des dernières années je me sens bien loin de cette retraite. Je pense toujours à mon père ou à mon maître de stage qui sont partis trop jeunes sans avoir pu réaliser leur rêve d’être agriculteur. Je considère que je vis la plus belle période de ma profession. Je peux innover, tester, faire de l’agronomie, appliquer en toute liberté sans devoir convaincre personne. Je vais sûrement ralentir un jour, mais je resterai toujours agriculteur en me concentrant sur des tâches différentes.
Je vous laisse sur les sages paroles d’un agriculteur:
« Paul, si tu te plais à toujours relever de nouveaux défis et que tu n’as pas de relève, tu continues, ton corps et ton esprit te diront quand ce sera le moment. Si tu as de la relève, tu devras peut-être devancer ta retraite pour laisser le plus de place possible à tes descendants. Garde en mémoire qu’un arbre se développe beaucoup plus en plein champ qu’à l’ombre dans la forêt. »
Oui, message reçu. On va s’assurer de laisser de l’espace. Profession agriculteur.