Plus je vieillis, plus je réalise qu’il faut être fait fort pour supporter le surplus d’adrénaline qui nous propulse pendant la grande période des semences. Quand j’étais plus jeune, je n’avais aucune difficulté à démarrer mes journées à 4h le matin et à passer la journée entière à rouler sans arrêt jusqu’à 22-23h le soir.
Un petit arrêt pour me laver les mains pour ensuite m’essuyer sur mes pantalons déjà tout sales. Terre, lubrifiant, fertilisant, pesticides : un beau mélange qui à l’occasion m’obligeait à retourner me laver une seconde fois. Un sandwich qui goûte le fuel ça donne un drôle de goût. Encore pire si ça goûte le banvel ? Un sandwich dans une main, le volant dans l’autre et je tenais le rythme toute la journée. Une journée, c’est facile, mais tenir ce rythme 10-15-20 jours en ligne, c’est quelque chose.
Aujourd’hui, je suis tout aussi matinal, mais dès que la noirceur approche, je me retrouve brûlé. Je suis un peu plus sage. Je prends le temps de dîner tout en prenant bien soin de me laver les mains et de changer de vêtements. À la limite, quand c’est trop urgent, je saute carrément le repas. Mon estomac gronde un peu, mais ça fonctionne. Une fois arrivée à la maison autour de 21h, j’enfile un copieux repas en complétant mon plan de champ Agpad dans mon téléphone. Dodo vers 22h30 pour être prêt à recommencer le lendemain matin.
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Faire le plein pendant que j’essaie de faire le vide
Je me suis permis une petite escapade à un endroit où j’espérais ne pas trop voir de champs en culture. Question de faire le plein d’énergie en oubliant le plus possible les tracas.
Pour éviter que mon dos me fasse souffrir, je me lève de plus en plus tôt. De cette façon, mon corps n’a pas trop le temps de produire de l’acide lactique. C’est mon meilleur truc pour ne pas être trop courbaturé. Dès que je profite d’une journée de pluie et que je me permets d’essayer de dormir mon premier huit heures. Oh boy! Ayoye! Là je réalise que je n’ai plus 20 ans.
Au fil de cette période intense à courir devant la météo, arrive toujours quelque part un bris mécanique. Ça bouleverse une journée. Je sais immédiatement que je ne réussirai pas mon objectif quotidien. On s’active pour gagner du temps. Frérot court chercher la pièce. Moi, je prépare la réparation aux champs. J’ai terminé! J’en profite pour faire un peu de dépistage autour, question de ne pas avoir l’impression de perdre mon temps. Quelques mauvaises herbes à traiter, des semis qui sont en train d’émerger. Il fait soleil, le sol est parfait.
Ok, ça va faire! J’ai déjà 12 heures de travail dans le corps et il en reste quatre à faire… pourquoi ne pas prendre une petite pause? Je m’écrase au sol. C’est le silence total. Et je peux entendre les abeilles qui butinent. Pas mal belle notre bande de culture fleurie. Assez fier du résultat. J’observe, j’écoute. Seul au beau milieu du champ. J’oublie l’objectif quotidien et je contemple le présent. Je baisse les bras et je me laisse imprégner du moment. La pression baisse et je comprends pourquoi je suis agriculteur. Woups, la pièce arrive. Et comme dirait Léo « C’est parti mon kiki! ». Profession agriculteur.