L’affaire Louis Robert: une guerre de bouette

Quand je veux un deuxième avis sur mon choix de pesticides j’appelle qui?

Publié: 4 mai 2021

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L’affaire Louis Robert: une guerre de bouette

La sortie du livre de Monsieur Louis Robert fait des vagues, et un article de La Presse titre : Louis Robert persiste et signe! On connaît Monsieur Robert depuis une bonne trentaine d’années et je me disais que ça ne pouvait être aussi négatif que ce que les GRANDS titres annonçaient. C’était beaucoup plus modéré et clair lors de l’émission Tout le monde en parle.

Il a raison sur plusieurs points et je comprends sa frustration quand il constate que les choses ne vont pas assez vite à son goût. Pas certain par contre que les gens en général comprennent le vrai jargon agronomique. J’espère qu’ils l’ont bien entendu dire que plusieurs agriculteurs innovaient et que d’utiliser des pesticides de façon raisonnée faisait partie d’une bonne approche agronomique et surtout qu’on ne pouvait prétendre mettre la switch à off partout et changer de direction en deux ans.

Oui, on applique trop de pesticides! Surtout si on considère que les insecticides semences sont rarement utiles. Il faut aussi mentionner que plusieurs agriculteurs changent leur façon de travailler. La preuve, on constate que certains détaillants ont 70% de leurs entrepôts de semences qui ne contiennent pas d’insecticides. On doit se responsabiliser aussi. Quelqu’un qui affirme aujourd’hui ne pas pouvoir faire au minimum un essai avec du maïs sans insecticides en prétendant que la semence n’est pas disponible ça équivaut à de la mauvaise foi. Surtout si on considère que c’est important de bien mesurer le réel besoin de ces produits chacun chez nous.

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Ce que j’aime un peu moins de l’affaire Louis Robert c’est que j’ai l’impression qu’il jette une grosse motte de terre en plein milieu d’un trou d’eau, au beau milieu d’un champ compacté. Un scénario comme quand on était petit et qu’on se faisait une guerre de bouette. Ça en prend un premier qui jette une grosse motte de terre en plein milieu du trou d’eau pour partir le bal. « Ah! Tu m’as tout arrosé! Tiens-toué le lié je te lance une bonne galette. Eh! Check la mienne mon « agronouilles »! Dans les dents les conventionels, vous utilisez trop de pesticides. » Une fois mouillé et crotté la guerre continue et on finit par apercevoir les spectateurs amusés qui nous observent en espérant ne pas trop recevoir de boue. Résultat, tout le monde est sale et casé.

Les agriculteurs sont des innocents, les agronomes représentants sont des méchants à la solde de… et maintenant si un agronome non lié recommande des pesticides on pourra prétendre qu’il a subi des pressions. C’est déstabilisant de voir l’Ordre des agronomes qui nous rappelle ses réelles fonctions tout en nous mentionnant que seulement 13% des agronomes sont concernés par le volet pesticides. Je trouve qu’on se dirige sur un chemin glissant pour le moins glaiseux, comme si on sous-entendait qu’un certain pourcentage seulement des agronomes osait l’odieux de faire des recommandations et ainsi accompagner les agriculteurs dans leurs stratégies phytosanitaires. C’est à se demander s’il n’aimerait pas mieux exclure les gens qui font les recommandations. En fait, ce que ça prend c’est un réel engagement du MAPAQ pour supporter les transferts technologiques à la ferme. Le MAPAQ fait tout le contraire. Ils ont fermé notre bureau à Sorel-Tracy et plusieurs autres bureaux locaux supposément au profit de nos clubs en agroenvironnement. Ensuite le MAPAQ a sous financé les clubs agro locaux ce qui a causé la fermeture de MON club. Maintenant, plusieurs clubs sont obligés de faire de la « comptabilité créative » pour recevoir certaines sommes. À Saint-Hyacinthe, les bureaux sont vides et un bon nombre d’agronomes approchent de leur retraite et ne seront probablement pas remplacés.

Alors, quand je veux un deuxième avis sur mon choix de pesticides j’appelle qui? Depuis la COVID, sous ordre de leurs patrons, ils ne peuvent sortir de leur bureau comme si leur santé était plus importante que la mienne. Pourtant, Mon agronome représentant est sur le terrain lui. Le samedi, le dimanche, pendant les congés de trois jours à 6 heures le matin. Compétent en plus. Je fais mon dépistage, je choisis mes produits et il me tient informé des petites particularités en petits caractères qui peuvent me permettre d’améliorer l’efficacité de la pulvérisation et ainsi éviter les doubles passages. On a tout de même réussi à réduire nos pesticides de 40%.

Si on veut vraiment que les nouvelles avancées technologiques s’appliquent sur les fermes ça nous prend plus de ressources d’accompagnement dans le champ. Lâche la grande allée, enfile ta casquette, prends-toi une pelle et mets tes bottes de rubber. Viens jouer dans bouette avec nous :-) Profession agriculteur.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Paul Caplette

Paul Caplette

Agriculteur et collaborateur

Paul Caplette est passionné d’agriculture. Sur la ferme qu’il gère avec son frère en Montérégie-Est, il se plaît à se mettre au défi et à expérimenter de nouvelles techniques. C’est avec enthousiasme qu’il partage ses résultats sur son blogue Profession agriculteur.