Ça commence par une bonne visite de champ un vendredi après-midi au beau soleil à 15 degrés Celcius. Sous une allure inquiétante de couleur mauve ou pourpre en surface, je réalise que tout est bien vivant dès que je retrousse les feuilles.
Notre semis à 350 grains par m2 du 5 septembre 2023 s’est très bien implanté. Pas le temps de compter la population sur 1 m, je me contente d’essayer de compter le nombre de tiges à différents endroits sur 1 pied linéaire. « Y’a du monde à messe! »
Je sépare les tiges pour arriver à les compter le plus précisément possible. Je reprends trois fois mon calcul de conversion et j’arrive toujours entre 1200-1600 tiges très bien développées sur chaque m2.
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Faire le plein pendant que j’essaie de faire le vide
Je me suis permis une petite escapade à un endroit où j’espérais ne pas trop voir de champs en culture. Question de faire le plein d’énergie en oubliant le plus possible les tracas.
C’est énorme quand on réalise qu’on a déjà sorti du 8800 kg/ha avec 750 épis au m2. Je n’aperçois pas de nouvelles racines blanches près du collet. Donc pas trop réveillé encore. On devrait survivre à la période de temps froid prévu.
Prévisions météo favorables
Le temps de passer le week-end et je retourne au champ. Voilà qu’en consultant les prévisions météo de 14 jours, je réalise que le temps va changer. Plus doux, accompagné de pluie.
J’ai une idée un peu folle : et si j’appliquais mon démarreur tout juste avant la pluie? Idée farfelue! Épandre en mars! Je fouille dans nos statistiques et notre date la plus hâtive d’application : le 4 avril. Résultat : une excellente année.
Mettons qu’on oubli la date qui ne semble pas dans nos normales. Pourquoi pas? Le dilemme. Étant donné que le blé d’hiver semble encore endormi, j’ai beau être confiant, mais en réalité, rien ne garantit sa reprise.
D’un autre côté, 2023 nous a fait payer cher le fait d’avoir fertilisé trop tard. Alors l’idée chemine et au fil de nos observations, ça fait de plus en plus de sens. « Let’s go! »
Un quitte ou double, surtout dans nos semis hâtifs qui sont très bien développés et prometteurs, et surtout protégé du froid soit par notre clôture à neige végétale de lin ou notre chaume de canola. On calcule nos affaires, commande le fertilisant et on patiente pour le jour J.
Application en pleine nuit
En cours de route, les prévisions météo changent. Et la fenêtre se rétrécie pour finalement se présenter. Prévision de forts vents pour la journée qui vient, alors je me retrouve stratégiquement debout à 2h du matin afin d’en appliquer le plus possible avant le vent.
Encore un peu dans le doute avec l’impression de peut-être travailler pour pas grand-chose. Pourtant, c’est peut-être la meilleure occasion de circuler dans le champ sur un sol bien ferme qui va redevenir vaseux vers midi.
Je me repasse tous les facteurs qu’on a pris en compte comme si j’avais une liste à confirmer : bon choix de fertilisant, faible quantité, pas de neige au sol, pas de vent, pas de présence de signe de nouveau démarrage qui pourrait compromettre sa résistance au froid, etc.

Fait frette! Les yeux pochés. Go! Je me motive en me disant qu’un peu de Similac pour démarrer le blé d’hiver ne fera pas de tort. En fait, je réalise que ce qui m’interpelle le plus, c’est la fameuse date d’application.
La même situation me serait arrivée en mi-avril et je ne me serais même pas posé toutes les questions. Et avec les changements climatiques qui se font de plus en plus sentir, on devra dans le futur oublier les dates de calendrier et agir en fonction des conditions sur le terrain quotidiennement.
Ça fait partie de nos compétences d’agriculteur accompagné de notre agronome de prendre ce genre de décision en fonction de la réalité « terrain ». Parce qu’au final, c’est toujours l’agriculteur qui récolte les bons résultats ou paye les pertes.
Et comme à notre habitude, on a installé différentes bandes témoins sur lesquelles on pourra évaluer en cours de route si c’était une bonne décision ou une belle nuit de sommeil raté.
Profession agriculteur
*Note de la rédaction : Nous avons été avisés que cette pratique contrevient au règlement sur les exploitations agricoles.