Voilà enfin la période idéale pour fertiliser notre maïs 2025. Oups! Attention! Ne sursautez pas! Dans ce cas-ci, je fertilise en me servant du génie végétal. Une toute petite semence de trèfle qu’on laisse tomber au sol et qui va pomper l’azote gratuit de l’air en 2024 pour la retransmettre à la culture du maïs-grain en 2025.
J’avais déjà pris soin de mélanger nos deux espèces de trèfle et me voilà aux champs aux petites heures du matin en train de semer la précieuse semence. Le terrain est encore plus portant que je ne l’aurais cru.
Aujourd’hui on aurait l’option d’utiliser un service de drone pour effectuer le semis, mais j’aime bien le faire encore à l’ancienne. Ce qui me permet de voir de visu l’état général du champ de blé d’hiver.
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Faire le plein pendant que j’essaie de faire le vide
Je me suis permis une petite escapade à un endroit où j’espérais ne pas trop voir de champs en culture. Question de faire le plein d’énergie en oubliant le plus possible les tracas.
Au fond, c’est une pratique devenue une tradition printanière. J’aime bien enfourcher le VTT et parcourir les champs, question d’embarquer dans une nouvelle saison. Un peu frisquet, mais se donner le privilège de mettre le pied à terre et sentir le « beat » du champ sous la musique des bernaches qui semblent vouloir me lancer une alerte printanière.
Le chantier roule rondement entrecoupé des remplissages de semence. Tout seul au milieu de l’espace, ma tête projette 2025 tout en me rappelant des souvenirs de nos premières expériences chaotiques en effectuant cette même technique.
Notre profession n’est pas facile, ni dans les normes, et peut paraître incompréhensible pour certains qui se demandent pourquoi on gronde alors que si ça ne fait pas notre affaire on n’aurait qu’à vendre à fort prix.
Avant tout, c’est une profession de passion. Une terre ce n’est pas un local de 100*500 qu’on peut exploiter et revendre pour se relocaliser ailleurs. Une terre, c’est souvent l’endroit de notre naissance, ou un nouvel endroit sur lequel on a pu s’établir et l’aménager à notre image.
Une signature terrienne qui marque notre passage sur cette terre. Les terres ont des noms! On dorlote cette terre qu’on a chéri et appris à comprendre et à sentir. Au fil des saisons, on apprend à comprendre les sous-entendus ou ses états d’âme.
On y partage notre passion avec notre famille et nos employés. Une terre, c’est notre fierté quant à sa capacité de nourrir dans le sens large du terme. Une terre, c’est le prolongement de notre être qui nous transperce le corps tout en nous transfusant du sable dans nos veines.
Alors pour nous, c’est un grand privilège d’avoir pu démarrer à 18 ans en agriculture avec notre propre entreprise. C’est une grande responsabilité aussi, mais on avait la capacité de le faire.

Aujourd’hui, on a le grand privilège d’être agriculteur sur nos terres qui nous permettent d’avoir une ferme rentable et efficace. On souhaite transférer ce privilège à une future relève.
Même après avoir mis beaucoup d’argent et d’effort dans certaines planifications fiscales, on réalise que le niveau du prix des terres a tellement monté dans les 10 dernières années que notre transfert va exiger des prouesses de performances économiques cinq à sept fois plus grand que ce qu’on supporte aujourd’hui.
Tout ça en plus de supporter les hausses de taxes municipales qui viennent avec. On n’a pas décidé d’être agriculteur pour devenir millionnaire ou devenir le plus gros propriétaire terrien du rang.
On a voulu être agriculteur parce qu’on aimait ça et qu’on voulait en vivre. D’un côté, on se plaint du haut prix des terres et d’un autre s’il y a vente on entend : j’ai vendu au prix du marché. Donc on tourne en rond.
Faudrait donc offrir des aménagements ou allègements fiscaux au vendeur qui désire favoriser une relève apparentée ou non dans le futur. J’en suis à me demander pourquoi on redémarre un cycle de financement à chaque changement de génération?
On comprend qu’il y ait une transaction, mais faire des transferts sur une valeur si élevée qu’elle ne fournit du profit net que 30 ans plus tard, çaa étouffe systématiquement la relève.
Baisser le taux d’intérêt ne donne pas grand-chose si le montant de départ est déjà trop haut. Donc si on ne fait rien, d’ici une génération, le privilège que plusieurs d’entre nous ont eu quand ils ont commencé n’existera plus.
On devrait ouvrir nos horizons et donner la chance et le privilège aux jeunes d’être eux aussi maître chez eux!
Profession agriculteur
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