Prix des grains, prix des terres…

Les résultats finaux vont finalement être moins bons

Publié: 10 septembre 2024

Prix des grains, prix des terres…

Gertrude avale le canola avec appétit. L’air est frais, avec un nuage de poussière derrière et surtout l’air climatisé de nouveau fonctionnel. Fini les séances de sudation! Quand tout semble sous contrôle, je me retrouve dans mes pensées et je planifie les prochains travaux en me mettant des objectifs.

Si je finis ici aujourd’hui, le semoir demain, ensuite je retourne à l’atelier faire les transformations afin de débuter la récolte des haricots secs vers la fin de la semaine. La récolte est bonne, mais ça pourrait être mieux : 2,6 tm/ha de canola à 630$/tm, ça donne 1630$ par hectare. Dire que les loyers de terre valent 1250 $/ha dans notre secteur. Imagine du blé à 4,5 tm/ha qui se vend 290$, ça donne 1300$. Il ne reste pas grand-chose pour couvrir les autres coûts variables. On peut toujours reluquer le soya à 3,5 tm/ha vendu à 465$ ça donne 1625$. Ce sont tout de même des chiffres bruts.

Et non, on ne loue pas toutes nos terres à 1250$. D’où l’idée qu’en faisant une moyenne, ce n’est pas le coût réel de notre coût de location. Que je sois dans l’erreur de 100$ d’un côté ou 100$ de l’autre. On revient en arrière du côté du prix des grains. Fallait s’y attendre! Même si on considère qu’on s’y est bien préparé. Les résultats finaux vont finalement être moins bons.

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Pendant ce temps, le prix des terres continue sa progression vers le haut. C’est rassurant avoir une bonne valeur aux livres. D’un autre côté, plus cette valeur augmente, plus le transfert vers une relève devient complexe. Tant et aussi longtemps qu’il n’y a pas de transfert, on peut s’en sortir, mais un jour ou l’autre ça va prendre quelqu’un pour prendre le relais.

J’ai l’impression qu’en général, on se tire dans le pied à continuer dans la surenchère sur nos terres. Surtout si ça devient une façon d’investir sur la valeur à long terme pendant que les résultats économiques ne sont pas au rendez-vous. Comme si on devenait à notre tour sur un mode de spéculation, qu’en général, on dénonce face aux supposé fonds étrangers ou de grandes sociétés de finance. Faudrait se regarder dans le miroir et avouer que nous sommes en grande partie responsable de ces hausses.

Je me demande pourquoi on semble si empressé d’ajouter des hectares qui vont nous rapporter de vrais revenus nets que dans plusieurs années. Ou simplement se bomber le torse en regardant notre valeur aux livres. Ça fait bizarre surtout quand on se permet d’aller manifester en criant nos difficultés et que de l’autre côté on continue de payer de forts prix, et ce, même quand les signaux économiques ne sont pas au rendez-vous.

Je vous partage deux phrases d’une chanson de Dan Bigras : « Si tu me vois un jour frotter mes souvenirs, parce que je ne verrai plus briller mon avenir, tue-moi! Sommes-nous en train de nous cannibaliser entre nous? Peut-être que c’est moi qui devrais disparaître quand je me rappelle d’où je viens et pourquoi j’ai voulu être agriculteur.

Ça n’a jamais fait partie de nos objectifs de départ, à savoir la valeur de notre ferme dans le futur, c’était plutôt l’idée d’arriver à en vivre selon nos valeurs. On n’a pas de relève à court terme et on planifie quelque chose qui pourrait assurer la continuité de notre ferme dans le futur. Rien de simple et facile, mais seulement au minimum essayer d’offrir le même privilège à des plus jeunes. Parce que soyons honnête! Si le prix des terres continue sur cette lancée, ce sera de plus en plus un rare privilège.

Mon gâteau cuisiné par ma petite fille avec un tracteur dessiné par mon p’tit fils d’un côté et par ma petite fille de l’autre.

Aujourd’hui, c’est ma fête! 61 ans bien sonné. Je me retrouve sur une ferme à maturité avec mon frérot et ma mère de 84 ans accrochée à la comptabilité Siga. Une fille à la comptabilité à distance, trois petits enfants de mon côté et deux du côté de Pierre. Une ferme rentable et déjà engagée dans les nouveaux défis d’avenir. Ce serait plus simple de vendre au prix du marché et se permettre de voyager. Mais on garde en tête l’importance d’offrir aux suivants, alors on s’organise pour rester en forme.

Savourer nos souvenirs, notre vie sur la ferme, nos rêves en planifiant le futur. Profession agriculteur.

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À PROPOS DE L'AUTEUR

Paul Caplette

Paul Caplette

Agriculteur et collaborateur

Paul Caplette est passionné d’agriculture. Sur la ferme qu’il gère avec son frère en Montérégie-Est, il se plaît à se mettre au défi et à expérimenter de nouvelles techniques. C’est avec enthousiasme qu’il partage ses résultats sur son blogue Profession agriculteur.