Ça commence par une rencontre agronomique pour un suivi au champ par des universitaires. Plusieurs questions sur les précédents culturaux des dernières années. Les détails en dates et produits, le pourquoi des fertilisations et des pulvérisations, en plus de la description du système en place en tenant compte de nos objectifs.
Même pas besoin d’utiliser l’ordinateur, j’ai tout ça rapidement dans notre cahier de champs Agpad. Le côté carthésien, c’est facile! Quand on commence à discuter du pourquoi de la séquence de la culture et du planning de la rotation, ça demande plus d’explications. Plus j’avance dans notre système, plus c’est difficile d’avoir une « rotation simple ».
Après une bonne heure de discussions et d’échanges d’informations, on se retrouve dans un volet « comportement ». Un genre d’étude comportementale du cerveau d’agriculteur. Ah ok! C’est seulement un court questionnaire pour comprendre notre réaction au risque. Ah ouin? On s’éloigne de l’agronomie!
À lire aussi

Faire le plein pendant que j’essaie de faire le vide
Je me suis permis une petite escapade à un endroit où j’espérais ne pas trop voir de champs en culture. Question de faire le plein d’énergie en oubliant le plus possible les tracas.
Les infos de départ me semblent vagues, mais j’y vais avec la meilleure intention du monde en me disant qu’au fur et à mesure du questionnaire, je devrais comprendre un peu plus. Je résume rapidement. Le genre de questionnaire qui confronte ma décision entre avoir 90% des chances de gagner 100$ contre 10% de gagner seulement 30$.
La première me semble facile, mais les questions se multiplient dans le même raisonnement en m’amenant de plus en plus vers le centre là où on se confronte avec l’idée de changer notre fusil d’épaule.
Ouin, mais attend minute! Ton questionnaire manque de vécu! Je vois une grande différence dans l’ambivalence de ma décision par rapport à mon historique récent. Si je viens de traverser trois belles années et que mes performances sont au rendez-vous. Mon attitude et ma confiance face à ma prise de décision ne sera pas le même que si je viens de traverser trois mauvaises années et que je dois serrer les fesses pour sauver ma peau. Il faut ajouter tout le côté expérience et résilience du plan d’affaires mis en place.
Une même réponse de deux agriculteurs différents peut paraître comme étant un comportement intrépide, mais pouvoir dire facilement deux choses. Et si on ajoute toutes les variables de la vie, de l’intelligence émotionnelle et des valeurs humaines. Attache ta tuque!

Voilà que je m’emballe quand je commence à raconter d’où je viens. Les conneries et les sacrifices que j’ai pu faire dans ma jeunesse pour sauver ma peau. Des heures interminables qu’on additionne aujourd’hui pour aller plus loin dans nos performances agronomiques et humaines. On ne les comptabilise pas toujours parce qu’au fond c’est notre passion qui nous y conduit. Parce qu’on est fier! Parce qu’on apprend et qu’on veut encore apprendre. Ce sont les tripes qui nous guident.
Un agriculteur comme moi spécialisé en productions végétales, ça sème! Tous les ans, tout le temps. Content pas content, parfois avec le cœur qui gronde, on sème. Oui certainement qu’on bâtit un plan d’affaires et nos coûts de production, mais au final on sème. On s’organise avec ce qu’on a. Pas une bonne chose à dire en ces temps de manifestation. Mais au final, on finit par « livrer » en travaillant plus fort, plus longtemps, en sortant de notre zone de confort pour en offrir encore un peu plus que ce que le consommateur mérite. Pourquoi? Parce que c’est notre profession : agriculteur.
On veut que ça change. Oui. De l’autre côté, les gens savent qu’on va quand même livrer. Jusqu’à ce qu’on s’épuise ou jusqu’à ce que notre passion disparaisse. On se retrouve bien loin du petit questionnaire théorique. Dans la pratique, on se retrouve sur un tout autre terrain : l’émotion et l’amour de la profession.
Ça ne rentre pas dans un petit questionnaire! Profession agriculteur!