Comme vous savez, on planifie nos semis de maïs-grain sur des couverts de trèfle. Cette année, ils sont exceptionnellement imposants. On se donnait au minimum sept jours d’attente avant de procéder aux opérations de semis. Donc on a décidé de défolier quand on a pu entrevoir la fenêtre du 18 au 24 mai qui s’annonçait plus chaude et ensoleillée. La chaleur est arrivée plus vite que prévue et on s’est concentré à faire les suivis de notre blé d’hiver qui se développe à la vitesse grand V. Tout était prêt sur le planteur à maïs en attendant le fatidique jour J.
C’est loin d’un déploiement de débarquement en Normandie, mais à l’échelle d’une ferme, c’est un peu ça. Notre gestion du planteur est un peu complexe : azote de fertilisation ainsi que l’herbicide pour effectuer la pulvérisation en bandes sont installés sur le tracteur. Tracteur sur lequel deux pompes servent à alimenter les systèmes. Ça fait déjà plusieurs années qu’on est installé de cette façon et on a tout intégré les boyaux bien cachés sous le tracteur pour que ce soit propre et sans danger que les boyaux soient arrachés. On avait tout calibré à l’intérieur du garage avec de l’eau, vérifié nos débits et tout était parfait. Arrive donc le fameux jour J.
Après avoir mis l’herbicides dans les réservoirs, on se retrouve une heure plus tard avec un boyau qui coule. Tu te dis voyons! Il n’aurait pas pu décider de lâcher quand c’était de l’eau propre qu’on avait dans les réservoirs? Il fait beau, ça fait déjà quelques jours qu’on ronge notre frein à attendre notre fameux sept jours. On reste positif. Ça devrait bien se réparer et on s’affaire à trouver le fameux tuyau qui est quand même bien attaché et un peu caché avec ses copains. On ferme les valves et on s’apprête à défaire le boyau et voilà qu’il revient de l’herbicide.
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Faire le plein pendant que j’essaie de faire le vide
Je me suis permis une petite escapade à un endroit où j’espérais ne pas trop voir de champs en culture. Question de faire le plein d’énergie en oubliant le plus possible les tracas.
Sur le coup, je ne comprends pas trop d’où ça vient. Quand tu es couché sous le tracteur sur le dos les mains dans les airs à tirer sur un tuyau qui décide de se déverse sur toi… Ça coule dans mes manches un peu dans la face et ça descend sur mon ventre et le reste et ça n’arrête pas le temps qu’on réalise qu’on avait oublié de fermer la valve de retour. Une fois bien trempé, le fait que ton corps est bien imbibé et que tu sens l’herbicide à plein nez. Un peu plus, un peu moins! Il n’y a pas de différence! L’urgence no 1, c’est de réparer la fuite. Pour le reste, j’irai me laver plus tard si j’ai le temps. Go avant la pluie.
Il me semble que depuis quelques années, on est toujours à la course avant une supposée pluie en prévision, mais c’est tout de même une pression de tout vouloir faire en même temps et dès qu’il nous arrive un imprévu, la pression monte. Un peu de temps de perdu, mais on démarre le chantier. Le sol est parfait pour un semis direct. Profondeur 5 cm, pas de lissage en vue. On réalise qu’on a fait un mauvais choix de disque de semence. On change de disque et on redécolle.
Le RTK allynav fonctionne bien, le sol est beau, et voilà que le PTO du tracteur ne fonctionne plus. Arrête le tracteur pour tout reprogrammer au redémarrage. Ça ne fonctionne pas. Appelle le service pour suggestion de quelques tests possibles. Ça ne fonctionne pas. On est vendredi 17h15. Le garage ferme et c’est normal. La pluie approche. On a passé une journée de fou à tout mettre en branle à courir partout pour éliminer les petits problèmes de départ aux champs pour arriver à la fin de la journée avec un si petit résultat que t’as l’impression de n’avoir rien fait.
On regrette de ne pas avoir défolié quelques jours plus tôt. On baisse les bras et on se dit qu’on en a vu d’autre. La pression baisse et je suis vidé. Je passe à la douche et je me permets une bonne bière, question de m’achever en ce vendredi soir un peu plate et monotone à repasser dans ma tête ce qu’on aurait pu faire de mieux pour finalement m’endormir sur le divan pendant que la pluie arrive.
Et voilà que samedi matin est un autre jour. Pratiquement pas de pluie. Le mécano est déjà sur place, ce qui nous donne espoir de peut-être retourner aux champs. Je fais une tournée rapide des champs et je réalise que je pourrais faire mon troisième fractionnement d’azote dans notre blé d’hiver qui arrive au stade crucial d’application. Je jette un œil sur la carte satellite. On prévoit une forte pluie vers 11h30-midi. J’ai le temps!
Je prépare le pulvérisateur. J’exécute ma fertilisation souhaitée sous un ciel de plus en plus menaçant et je termine mes deux derniers tours sous la pluie. Yes! tiens toé météo! C’est 1-1! On a au moins pris cette bonne décision de faire du blé d’automne! L’espoir est revenu! Profession agriculteur.