On a commencé à vouloir changer notre système de culture en 2001. Après analyse de plusieurs scénarios, on arrivait à la conclusion qu’il fallait ajouter des cultures d’hiver. Comment ? En semant du blé d’hiver. Pas une grande surface, juste assez pour vérifier et mesurer le potentiel de la culture. Certains agronomes nous ont mentionné : « Selon ce qu’on observe comme résultat statistique… Paul du blé d’hiver sur la Rive-Sud, c’est pratiquement impossible! » Ah ouin? Une incertitude de plus et on a quand même semé du blé d’hiver.
Résultat de l’an #1 : désastre. Rien pantoute. L’agronome avait raison, les incrédules aussi. On avait quand même observé des choses intéressantes et on a décidé de voir ce qu’on pouvait faire de plus pour s’assurer de réussir cette culture. Premièrement, on a réalisé qu’on ne connaissait pas les besoins agronomiques de cette culture, comparativement à toute l’énergie et les soucis du détail qu’on mettait pour le maïs-grain et le soya.
Pensez-y! Combien d’entre nous sommes capables de connaître notre population en plants/ha de notre maïs-grain? De notre soya? Avec toutes sortes de techniques différentes de semis: rang double, billon, population élevé 7-15-20-30 po. Des planteurs high-tech avec stabilité des unités, précision de profondeur et d’écartement entre chaque grain un à un bien positionné pour s’assurer d’un fort potentiel.
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Quand il y a plus de sièges disponibles que d’opérateurs
Dans certaines périodes intenses, comme celle-ci, on a l’impression qu’il y a plus de tâches que de ressources humaines. Tout devient une gestion des priorités.
C’est en général plus nébuleux pour le blé d’hiver. On lance la semence par terre avec une population des plus imprécises en kg/ha. Sur des sols qu’on voulait niveler par la suite. Ajoutons à ça l’idée de réussir cette culture en se donnant le défi de réussir avec des semis tardifs jusqu’à la mi-octobre. Oui, ça réussit, mais on ne peut pas s’attendre à des rendements qui correspondent au vrai potentiel du blé d’hiver.
À partir de cette prise de conscience, on a donc décidé de faire du blé d’hiver par défi au lieu de par dépit. Fallait créer l’espace dans notre système pour donner une chance à la culture de réussir. Nos résultats se sont améliorés graduellement. Aujourd’hui, c’est aussi rentable que notre maïs. Pourquoi? Parce qu’on a changé notre approche et qu’on s’est organisé pour penser en dehors de la boîte. Planifier différemment, se donner des objectifs clairs et mesurer des effets économiques à long terme qu’on ne soupçonnait même pas au départ et qu’on constate aujourd’hui. On pourrait peut-être ajouter une prime économique au plaisir de récolter de beaux champs dorés au beau milieu de l’été en t-shirt et espadrilles aux pieds. Profession agriculteur.