Jean Gattuso, l’alimentation dans le sang

Jean Gattuso, leader en agroalimentaire, est notre personnalité du mois

Publié: 19 juillet 2022

Jean Gattuso, l’alimentation dans le sang

Chaque mois, le magazine du Bulletin des agriculteurs choisit une personnalité du monde agricole et agroalimentaire inspirante et publie une chronique pour la faire connaître davantage. Le Bulletin a choisi Jean Gattuso, leader en agroalimentaire. En primeur. On vous présente la chronique en ligne.

La carrière de Jean Gattuso aux Industries Lassonde en tant que président et chef d’exploitation est une succession de bons coups, autant au point de vue des acquisitions que des innovations. Il a tiré sa révérence en septembre 2021. Le Bulletin a voulu retracer le parcours de cet homme d’affaires qui a marqué le Québec.

Jean Gattuso a évolué dans l’industrie alimentaire toute sa vie. Il aurait pourtant pu devenir vétérinaire ou même joueur de hockey. « Pendant mes études en sciences de la santé au Collège Brébeuf, je jouais beaucoup au hockey, je pensais avoir des chances de réussir comme gardien de but. J’avais diminué mon nombre de cours pour avoir de meilleures notes dans le but éventuellement de faire des études vétérinaires. J’ai donc fini mon diplôme à la moitié de l’année. Comme fils d’immigrant, pas question de prendre six mois sabbatiques. Mon père m’a dit : « va au McGill en attendant ». Finalement, j’ai fait un bac en commerce là, puis mon MBA à l’UQAM dans les années 1990 », raconte-t-il. « Mon père avait comme principe : reste dans l’alimentation, tu vas toujours travailler. L’été, dans les années 1970, je travaillais dans l’entreprise familiale (Aliments Gattuso) et j’avais du plaisir, alors c’est ce que j’ai fait », dit-il.

Il commence sa carrière chez de gros joueurs, notamment Catelli qui détient à ce moment-là Laura Secord et Five Roses. À l’époque, il est le plus jeune chef de produits à s’occuper des pâtes alimentaires. Rapidement toutefois, il a envie d’œuvrer dans une entreprise plus petite et plus entrepreneure. C’est alors que l’aventure avec la famille Lassonde commence, soit en 1987.

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À son arrivée, l’entreprise fait des affaires uniquement au Québec. « Le jus de pommes était important pour les Canadiens anglais, ils en buvaient plus que du jus d’orange. Alors que c’était le contraire au Québec. J’ai pris mon bâton de pèlerin et j’ai commencé à développer le marché de l’Ontario. Je voyais aussi la tendance à la consolidation dans le détail. Si les décisions d’achat se prennent de plus en plus à Toronto, je me suis dit qu’il fallait être présent là-bas », se rappelle-t-il.

La même inquiétude est à la base du développement de l’entreprise aux États-Unis. « Au début des années 2000, on s’est demandé : si l’un des grands détaillants canadiens tombait aux mains d’un Américain, qu’arriverait-il? On n’est pas connu des Américains. On a décidé de s’acheter une police d’assurance », indique-t-il. C’est ainsi qu’en 2011, en plus des usines au Québec et au Canada anglais, l’entreprise effectue sa plus grosse acquisition, ce qui est devenu Lassonde Pappas. « On a eu beaucoup d’audace de faire cette acquisition-là, admet-il. À chaque fois, ma plus grande préoccupation était de bien intégrer les employés, d’en faire des Lassonde. L’approche que je prônais était d’être présent et accessible, de me soucier des gens. »

L’innovation et la différenciation ont aussi été au cœur de son type de gestion. « Nos compétiteurs étaient Coke et Pepsi, on ne pouvait pas se battre avec les mêmes armes, il fallait trouver des façons différentes de plaire aux consommateurs avec des produits et des emballages innovants », mentionne l’homme d’affaires. L’une des innovations dont il est le plus fier : le contenant en carton Oasis avec un bouchon qu’on retrouve sur les tablettes, né d’une collaboration avec Tetra Pak. « En 1994, on s’est lancé dans les jus réfrigérés. On a été les premiers à faire venir du jus d’orange non fait de concentré du Brésil. Je me suis lié d’amitié avec les dirigeants de Citrus Products, une entreprise familiale d’origine italienne établie au Brésil », ajoute-t-il. Lors d’un voyage en Italie, il constate qu’il se vend du vin dans des contenants de carton et décide de tenter le coup ici. « Chaque fois qu’une opportunité se présentait, on se posait toujours la question : si on se trompe, est-ce qu’on va mettre la compagnie en difficulté? Pour le vin, on avait déjà l’équipement, on risquait seulement quelques réservoirs de vins venant d’Europe. »

À ses débuts dans la compagnie, Lassonde avait un chiffre d’affaires de 80 millions et 200 employés. Aujourd’hui, l’entreprise compte 17 usines, 2700 employés et 1,898 milliard de chiffres d’affaires. Pourtant, la plus grande fierté de Jean Gattuso est d’avoir toujours su s’entourer de bonnes personnes. « Créer un esprit d’équipe a toujours été essentiel pour moi. J’étais un joueur-instructeur. Je n’ai jamais envoyé des gens seuls au combat quand ça devenait difficile, j’étais avec eux. »

Livre : La biographie de Lee Iacocca, homme d’affaires américain qui a dirigé les compagnies Ford et Chrysler. « Il a réussi à transformer Chrysler, ce personnage m’a vraiment marqué. »

Film : Le Parrain, de Francis Ford Coppola. « J’ai adoré les trois films, pas le côté criminel, mais l’esprit filial lié à la famille italienne. »

Personnage : « Guy Lafleur, c’était un passionné de hockey. Malgré sa popularité, il était un homme simple et attachant. J’ai eu la chance de jaser avec lui, il m’a touché. »

Citation : « Ma mère disait toujours : pas capable, ça n’existe pas. Ç’a été mon modus operandi toute ma vie. Devant la montagne, je n’ai jamais pensé que je n’étais pas capable de la monter. Mon père a eu une grosse influence sur moi aussi. Né en Italie, il m’a laissé la culture de l’immigrant qui doit se battre pour survivre. »

Cause : « J’ai été impliqué à la Société des soins palliatifs du grand Montréal entre autres. Je trouve que c’est un geste noble d’aider les gens en fin de vie à garder leur dignité. Aujourd’hui, je suis lié à la Tablée des chefs. »

Passe-temps : « Le hockey a toujours été très important, je joue encore deux fois par semaine. Je voyage avec mon épouse, je m’occupe de mes petits-enfants, pour moi c’est de l’or, et de mes chiens. Je crois que les animaux peuvent nous donner beaucoup d’affection, mais aussi des leçons. »

Vision : « Il se consomme 24 millions de repas tous les jours au Québec. On est des Latins, pour nous l’alimentation est viscérale, il y a des possibilités incroyables de devenir leader en alimentation. Le gouvernement met beaucoup d’efforts et de sous sur le local, il faut foncer. »

Vous connaissez une personne inspirante qui se distingue dans votre milieu? Faites-nous parvenir son nom et ses coordonnées à cette adresse : [email protected]. Qui sait, elle pourrait être choisie pour être l’une de nos prochaines personnalités du mois!

À PROPOS DE L'AUTEUR

Marie-Claude Poulin

Marie-Claude Poulin

Journaliste et rédactrice en chef

Marie-Claude Poulin est journaliste et rédactrice en chef du Bulletin des agriculteurs.