La durabilité des entreprises québécoises fragilisée

50% des entreprises sont incapables de générer de l’excédent

Publié: 21 février 2025

La durabilité des entreprises québécoises fragilisée

Un travail d’envergure, qui a duré plusieurs années, a mené à l’élaboration d’un outil diagnostic pour l’évaluation de la durabilité de tous les types d’entreprises agricoles, IDEAQC. Les premières évaluations auprès de 50 fermes font état d’un constat inquiétant, soit que même les entreprises agricoles affichant les meilleurs résultats montrent des signes de difficultés à assumer les charges financières. Un mince ratio arrive à dégager une marge de sécurité de 5%, alors que 50% ont une marge de sécurité négative. De plus, 50% des entreprises sont incapables de générer de l’excédent.

Le projet est mené par Sylvestre Delmotte, Guillaume Jégo et Marie-Noëlle Thivierge depuis 2016, avec une équipe multidisciplinaire qui met en valeur l’expérience des agriculteurs et conseillers agricoles. La démarche s’inspire de la méthode IDEA développée en France. Des indicateurs de durabilité ont été développés pour donner au final 40 indicateurs avec 11 composantes.

La durabilité a été définie « comme étant la capacité de l’entreprise à poursuivre ses activités et à les développer pour assurer sa rentabilité économique, tout en offrant des conditions de travail et de vie satisfaisantes aux personnes qui s’y investissent et en contribuant à la dynamique du territoire dans lequel elle se situe tout en préservant les ressources naturelles ».

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« Une entreprise agricole est durable si elle est viable de manière économique, si elle est viable au niveau de la satisfaction de vie, ne dégrade pas ses ressources naturelles, de capital humain, social et économique, si elle est transférable, et inscrit son développement dans une démarche socialement responsable », a expliqué Sylvestre Delmotte lors de la présentation des résultats au congrès du Réseau québécois de recherche agricole durable (RQRAD).

La démarche d’évaluation des entreprises se fait en cinq étapes à partir de collectes de données, d’entrevues dirigées et de questionnaires répondus par les participants. Les informations sont ensuite analysées avec une proposition de notes qui vont de 1 à 5 pour chaque indicateur. La suite de la démarche est réalisée avec le propriétaire qui s’évalue. Le plus intéressant dans le processus est la réflexion engendrée qui facilite le partage de points de vue et d’expériences, avance Sylvestre Delmotte. À la fin, un rapport de synthèse est remis avec les indicateurs et un plan d’action sur les pistes à suivre pour que l’entreprise puisse s’améliorer.

Marie-Noëlle Thivierge a partagé les résultats de l’enquête menée auprès des 50 entreprises agricoles québécoises. D’emblée, elle a indiqué que les résultats pourraient être faussés par le fait que certaines entreprises étaient volontaires, ce qui laissent croire qu’elles prennent déjà des mesures ou sont plus proactives.

Les moyennes des résultats aux critères se trouvaient entre 3 et 4, mais avec un large spectre de résultats au niveau de la viabilité économique et des GES. La moyenne pour la qualité de vie était de 3,5, ce que Marie-Noëlle Thivierge a souligné comme étant inquiétant. L’utilisation des pesticides demeure également un défi, puisqu’il est démontré que le même type de produit est réutilisé année après année. On remarque aussi que la relation avec les consommateurs et les citoyens demeure rare et est souvent mal vécue.

La situation économique demeure la partie la plus préoccupante, même parmi les meilleurs. Les entreprises agricoles se démarquant avec les meilleurs indicateurs en général montrent une capacité d’autofinancement de seulement 2,5 sur une échelle de 5.

Avec le ratio d’endettement des fermes, la difficulté d’accès à la propriété pour la relève en lien avec la hausse fulgurante du prix des terres, des conséquences importantes sont à craindre, ont indiqué les deux experts. On pourrait voir une génération incapable de subvenir à ses besoins en cédant ses terres sous le prix du marché et une entreprise agricole qui ne peut dégager de profits. Le nombre d’agriculteurs pourrait également décliner graduellement au Québec, ce qui fait dire à Sylvestre Delmotte que « le modèle agricole actuel n’est pas viable économiquement ». Selon lui, il faudra apporter des changements au système actuel pour supporter les agriculteurs québécois.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Céline Normandin

Céline Normandin

Journaliste

Céline Normandin est journaliste spécialisée en agriculture et économie. Elle collabore également au Bulletin des agriculteurs.