Paris (France), 12 décembre 2002 – Qui a peur des OGM? Pour les Académies nationales de médecine et de pharmacie, l’inquiétude de l’opinion publique constitue « l’un des obstacles majeurs » aux applications du génie génétique en France et en Europe. Elles demandent donc au gouvernement de reconnaître et souligner au contraire leur « potentiel extraordinaire » dans les domaines de la santé et de l’alimentation.
Pour les deux académies, il faut mieux informer la population, notamment sur les organismes génétiquement modifiés dans l’alimentation, et parallèlement « poursuivre et intensifier » les recherches sur les OGM pour améliorer les techniques mais aussi les méthodes d’évaluation des avantages et des risques. Elles estiment notamment qu’une expérimentation en milieu ouvert est « indispensable » et qu’il faut protéger les champs expérimentaux.
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Les deux académies plaident pour la levée du moratoire décrété en 1999 par l’Union européenne sur les autorisations de culture et de commercialisation d’OGM, qui « ne peut qu’être préjudiciable aux pays européens » d’autant plus que la réglementation sur la traçabilité et l’étiquetage vient de voir le jour.
L’académie de médecine et celle de pharmacie préconisent dans le même temps la création d’un observatoire public et permanent des OGM et d’un système d’allergovigilance pour tous les aliments nouveaux.
Présentées jeudi à la presse, les conclusions du comité scientifique OGM et Santé, qui a étudié les organismes génétiquement modifiés destinés à l’alimentation et ceux à visées thérapeutiques au regard de leur conséquences éventuelles sur la santé de l’homme.
Pour l’impact sur l’environnement, au coeur du débat sur les OGM, il faudra attendre le rapport de l’Académie des Sciences qui doit être remis vendredi à la ministre déléguée à la Recherche et aux Nouvelles technologies Claudie Haigneré.
Un OGM est un organisme dont l’ADN (acide désoxyribonucléique), c’est à dire la carte d’identité génétique, a été modifié afin qu’il présente des caractéristiques nouvelles avec l’ajout ou la transformation d’un gène. L’objectif est le même que celui des croisements ou des sélections utilisées depuis les débuts de l’agriculture pour améliorer les espèces, mais la technique est différente.
Avec les OGM, il est ainsi possible d’accroître la production en créant des espèces qui seront moins vulnérables aux agressions extérieures (mauvaises herbes, sécheresse, insectes…) ou qui seront de meilleure qualité, un riz plus riche en vitamine A ou un soja dont l’huile comportera moins des mauvais acides gras.
De ce fait, a souligné le professeur Alain Rérat, les OGM représentent un « potentiel extraordinaire » pour lutter contre la sous-alimentation, prévenir les carences ainsi que certaines maladies, et lorsqu’ils sont employés comme médicaments, guérir des maladies jusqu’ici incurables.
Pour le président de l’Académie de médecine Maurice Tubiana, qui dénonce une « psychose anti-OGM » en Europe, « il n’y a pas de raison théorique de se méfier des OGM ». Les aliments ne présenteraient pas de « risque spécifique » du fait qu’ils ont été obtenus par une modification de leur ADN.
En revanche, il faut néanmoins étudier chaque produit « au cas par cas ». Car l’ADN modifié va induire la synthèse de protéines différentes de celles qui se trouvent dans la nature et il va falloir établir alors si ces dernières ne sont pas toxiques ou ne peuvent pas entraîner d’allergies. Il faut donc examiner chaque produit comme cela est fait pour « tous les ‘nouveaux aliments’ » pour vérifier qu’il ne présente pas de risque pour la santé, préconise le comité.
Au total, le comité juge que « les améliorations de la production agricole entraînées par les OGM ne présentent aucun risque alimentaire pour la santé qui ne soit pleinement contrôlable ». Le professeur Tubiana a aussi souligné qu’en Amérique du Nord, en Amérique du Sud et en Asie, « des centaines de millions de gens consomment depuis plusieurs années de façon journalière des OGM ».
Dans le domaine thérapeutique, où le recul est plus grand puisque les médicaments OGM sont utilisés depuis 15 ans, « aucun problème majeur » n’a été soulevé jusqu’ici. Actuellement quelque 80 médicaments issus du génie génétique sont enregistrés.
Les OGM permettent ainsi de fabriquer des substances dont la synthèse par voie chimique est difficile, mais présentent également « plus de sûreté ». Maurice Tubiana a cité l’exemple de l’hormone de croissance qui lorsqu’elle était prélevée sur l’hypophyse humaine risquait d’être contaminée par le prion entraînant la maladie de Creutzfeldt-Jakob.
Source : AP