Ça commence par un tweet de Simon Brière de RJO : le taux annuel d’inflation de base aux États-Unis s’est accéléré pour atteindre 6,6 % en septembre 2022, le plus élevé depuis 1982. Ces quelques mots déclenchent une foule de souvenirs.
En 1982, je sortais de l’école avec plusieurs projets en tête dans un contexte financier explosif. Je me souviens des taux d’intérêt de 24%. Eh oui, les terres étaient moins chères, si on compare à ce qu’on vit présentement. C’est quand même difficile de comparer les deux époques, mais il y a tout de même deux visions différentes de la situation dépendamment de l’âge qu’on a. J’ai plutôt en mémoire le secteur des céréales, car c’est celui que je connais le mieux.
C’était l’époque où on pouvait patienter et négocier une terre qui pouvait finalement se vendre après quelques années d’attente. L’époque où certains agriculteurs s’en sont moins bien tirés pendant que les autres usaient d’ingéniosité pour conserver leurs acquis dans une croissance sécuritaire. L’époque où le mais bougeait de 0,40-0,60$ du boisseau sur 365 jours. L’époque où les plus efficaces savaient souder. Non pas qu’aujourd’hui on ne sache pas souder, mais à l’époque on soudait par-dessus la soudure!
À lire aussi

Nos champs changent
Il suffit de partir cinq jours de la ferme en pleine canicule pour réaliser à notre retour que les champs ont énormément progressé.
En général, pas de grand hangar. On avait même une pompe de transfert de carburant actionnée à la main. Oubliez l’idée de posséder un atelier chauffé. Les terres étaient moins bien aménagées et les rendements plafonnaient autour de 8 t/ha dans notre région. Ma mère avait même gagné un concours provincial de maïs avec 9 t/ha. Aujourd’hui avec de tel rendement, on ne serait même pas capable d’entrer dans le concours.
C’est là que je ressemble au vieux radoteux du village. En fait, je ne veux pas radoter, je veux seulement mesurer d’où je viens pour mieux comparer avec ce que je peux faire aujourd’hui. Tout a changé autant au point de vue agronomique, qu’économique, sans oublier le volet environnemental. Je ne souhaite sûrement pas que les taux d’intérêt s’emballent comme au début des années 80. Certains diront que c’est impossible. Disons que je me disais la même chose pour une possible guerre.
Même chose pour le prix du maïs par exemple. On a déjà connu ça voir le maïs atteindre plus de 200 $ à une époque où le maïs valait normalement 130$. Espérer qu’il remonte encore, ne rien vendre, pour finalement le revendre à 140$. Ensuite, rêver pendant pratiquement 10 ans avant que le prix revienne à de tel niveau. C’est à partir de là qu’on a misé sur nos stratégies de vente pour stabiliser nos revenus.
Présentement, je dirais que, depuis cinq ans environ, le marché pardonne et finit toujours par reprendre ce qu’il a perdu. Ça peut changer ça aussi. Tout change. Et aujourd’hui, on peut constater que le financement est disponible plus facilement, mais avaler une hausse d’intérêt de 2% sur un emprunt imposant pardonne moins que le même 2% de l’époque. D’où l’intérêt justement de radoter à l’occasion pour mieux cibler nos priorités en ces temps incertains. Profession agriculteur.