On me pose souvent la question, et j’avoue que je me la pose à l’occasion. Surtout quand ça va moins bien et que le doute ou la surcharge de travail qu’on s’est nous-même imposée font leur œuvre. Premièrement, le mot agroenvironnement est très large de signification, tout comme le spectre élargi des actions qu’on peut poser sur nos fermes.
Alors pourquoi? Pourquoi je me casse la tête alors que tel secteur déverse directement dans le fleuve? Pourquoi je devrais planter et entretenir des arbres quand d’autres défrichent à la pelle hydraulique pour ajouter du bitume? Je pourrais facilement en ajouter des pages et des pages pour, au final, me dire que puisque plusieurs ne s’en préoccupent pas, aussi bien faire pareil.
Alors Pourquoi? Parce que je peux faire mieux! Et si je le fais bien, ça peut même être rentable! Se préoccuper de l’agroenvironnement est une chose. Parvenir à s’en servir comme levier économique en est une autre. C’est bien plus qu’un slogan ou un programme de soutien financier. Certains diront alors pourquoi recevoir des rétributions si on affirme que c’est payant. Parce que ce n’est pas toujours payant dès l’an 1. Décider de changer, ça peut être insécurisant et il faut souvent sortir de sa zone de confort pour innover, en toute humilité.
À lire aussi

Nos champs changent
Il suffit de partir cinq jours de la ferme en pleine canicule pour réaliser à notre retour que les champs ont énormément progressé.
C’est fou tout ce qu’on réussit à faire aux champs aujourd’hui, versus ce qu’on avait comme formation, aussi bonne soit-elle dans les années 1980. Pour innover, ça prend une démarche qu’on introduit graduellement, un apprentissage continuel. C’est un peu comme si je passais de la peinture à numéro vers des toiles de ma propre inspiration. Une toile à numéro, c’est rapide, sécurisant, les couleurs sont déterminées à l’avance et si on s’applique bien, on aura réussi notre « toile », qui en fait n’est qu’une reproduction rapide d’une belle image sans âme et sans valeur. Si on y pense, les œuvres des grands artistes gardent leur valeur humaine dans le temps, alors que les toiles à numéro se retrouvent en impression dans les magasins à rabais.
Être agriculteur aujourd’hui, c’est un travail d’artiste qui nous permet de modeler notre ferme selon nos valeurs et nos opportunités de territoire. Une agriculture respectueuse de son environnement et des préoccupations des citoyens autour. On a la connaissance, l’intelligence et la volonté de mieux faire les choses. Pas parce qu’elles n’étaient pas bonnes avant, mais parce qu’aujourd’hui, on peut faire mieux. Alors pourquoi?
Quand je retourne en arrière, il m’arrive d’être émotif quand j’essaie de l’expliquer. Pourquoi? Parce que le regard de mes enfants sur mes actions est important pour moi. Parce que j’ai décidé que personne n’aurait la chance de me traiter de pollueur. On le fait pour l’amour de notre profession, de notre fierté d’aujourd’hui et surtout pour redonner à ceux qui nous suivront les mêmes valeurs de respect.
Les agriculteurs façonnent les campagnes et nous sommes les gardiens de ce beau grand jardin. Alors je me dis que je ne peux pas passer à côté de ce privilège. Ça devient un défi personnel qui se transforme en défi de bassin versant pour finalement espérer partager ce défi avec nos citoyens. On y met tout notre cœur et quand l’émotion est là, les résultats suivent. Je vous partage le lien vidéo qui nous a été remis lors du dernier gala Agristar. Serez- vous les prochains récipiendaires? Profession agriculteur.