En 2016, lorsque la place de président de la Relève agricole de Lanaudière est devenue vacante, Pier-Luc Hervieux s’est laissé tenter par l’aventure. Les premiers mois de son mandat n’ont pas été de tout repos. Tout de suite, il a été propulsé au-devant de la scène en raison d’un projet d’implantation d’un oléoduc de la compagnie Énergie-Est TransCanada. « Le trajet prévoyait passer sur des terres agricoles et dans les tourbières de Lanoraie, celles-là mêmes qui nous servent de réservoir pour irriguer nos champs. C’est un milieu fragile et personne n’était en mesure d’assurer qu’il n’y avait aucun danger de fuites », se souvient le jeune homme. La bataille a duré huit mois et le projet a finalement été abandonné à la grande satisfaction des opposants.
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De son propre aveu, même si elle a été intense, cette expérience a été enrichissante pour le producteur. «J’ai appris à faire des discours et à mobiliser les troupes. Aujourd’hui, plus que jamais, je maîtrise les dossiers et je me tiens au courant de tout ce qui concerne la relève. »
Les combats de la nouvelle génération de producteurs
Les sujets de préoccupation sont nombreux pour la nouvelle génération de producteurs, comme le souligne Pier-Luc Hervieux. «La relève existe, mais si on veut l’inciter à faire ce choix, il faut améliorer les conditions d’établissement. La prime à l’établissement de 50 000 $ n’est pas suffisante et le programme doit être revu. »
Pour lui, il est aussi important de reconnecter les urbains à la campagne dans le contexte où l’image des producteurs est malmenée sur les réseaux sociaux et par divers groupes d’activistes de défaire les mythes. «Nous sommes bien au fait du cas de Mylène Bégin, copropriétaire de la Ferme laitière Princy à Sainte-Germaine Boulé, qui a été victime de cyberintimidation de la part de militants vegans. C’est décourageant pour notre milieu parce que les normes de bien-être animal changent et que les agriculteurs suivent le mouvement. On va tout faire pour valoriser notre profession», témoigne Pier-Luc Hervieux. Parmi les actions prévues, on compte mettre en ligne des capsules vidéo.
Autre enjeu, celui de la main-d’œuvre. Au même titre que bien des producteurs, Pier-Luc constate un alourdissement des tâches administratives, notamment à propos des employés étrangers. Il milite pour un accès plus rapide et plus efficace. « Il faut remplir trois formulaires et les envoyer à trois personnes différentes. Tout cela, sans parler d’une enquête de six mois qui est faite sur chaque personne et ça, même pour un travailleur qui revient chez nous depuis treize ans. Ça finit plus. Il y a sûrement moyen d’établir un genre de certification et faire en sorte que les paliers de gouverne- ment se parlent.»
Pier-Luc Hervieux admet que tout ce qui concerne le syndicat, il en «mange». Il regrette toutefois l’absence de nombreux confrères dans le mouvement. « Nous sommes 2000 dans notre mouvement sur une possibilité de 8000. Je lance un appel à l’implication, car en se tenant, en donnant son opinion, on peut faire changer les choses», croit le jeune homme. D’ailleurs, pour lui, il ne fait aucun doute que ce sont les représentations de la jeunesse agricole qui ont fait en sorte qu’existent aujourd’hui des programmes tels que les Fonds d’investissement pour la relève agricole (FIRA) et L’ARTERRE, un service de maillage et d’accompagnement entre aspirants-agriculteurs et propriétaires.

Champion de l’agroenvironnement
En phase avec sa génération, Pier-Luc a le sentiment qu’il y a une urgence climatique et fait en sorte que les techniques utilisées à la ferme soient les plus respectueuses possible de l’environnement. Le duo se sert d’un plastique biodégradable pour la culture du maïs. Il diminue l’épandage de pesticides en recourant aux trichogrammes. Cela est sans parler de l’irrigation raisonnée, du recours à des ruches, de la conservation des bandes riveraines et des sorties de drains bien nettoyées.
Père et fils se servent également des techniques du semis direct, de la culture intercalaire et font des rotations courge-maïs-seigle.
« Le seigle est un engrais vert qui permet un meilleur contrôle des mauvaises herbes et des maladies du sol », explique Pier-Luc. À la suite d’un voyage en France, Pier-Luc a également découvert les bienfaits du biofiltre et en a fait l’installation en 2017. «Ce système sert au traitement des eaux de rinçage contaminées. Une dalle de béton capte les eaux de rinçage, les achemine dans un réservoir souterrain, pour ensuite les pomper vers un substrat composé de terre de champ, de compost et de paille hachée. Le biofiltre tire parti de la tolérance des microorganismes du sol aux pesticides utilisés au champ pour en faciliter la décomposition. »
Tous ces gestes ont été récompensés en 2018 puisque l’entreprise a remporté le Prix de La Coop fédérée à l’agroenvironnement remis lors de l’Ordre national du mérite agricole.
Participer à l’avenir
Père et fils n’ont pas l’intention de s’arrêter en si bon chemin. Eux, qui ont pour dicton qu’il faut mener la parade plutôt que d’être mené, ont commencé à faire des courges biologiques. Bientôt, ils feront également le saut pour la culture de l’asperge. « Ce que l’on apprend du bio, on peut le transférer en culture conventionnelle », selon Pier-Luc. Ce genre d’expertise va servir à d’autres producteurs », mentionne le duo. Pour Luc et Pier-Luc, toutes ces actions ont un but précis, celui de faire de leur entreprise la ferme de l’avenir.
