Et c’est reparti ?!

Publié: 21 août 2012

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Jean-Philippe Boucher agr., MBA [email protected]

La dernière fois que j’ai écrit, je vous ai dit qu’un « parfum de fin de rallye » s’était répandu sur le marché des grains. Et je crois toujours que c’est le cas. Toutefois, les choses semblent prendre maintenant une nouvelle tournure. Après avoir atteint des sommets à la fin juillet et au début d’août, l’idée principale qui circulait au sein de la communauté des analystes de marché était qu’un rationnement important de la demande était en cours, ce qui était particulièrement frappant (et l’est toujours d’ailleurs…) du côté du maïs. Par contre, du côté du soya, se semble une toute autre histoire.

Certes, certains signes tendent subtilement à démontrer que les acheteurs et importateurs ont été « refroidis » par du soya à plus de 600 $ la tonne. La Chine, qui importe 60% du soya transigé sur les marchés internationaux, serait sur la corde raide. Les marges de profit des triturateurs chinois seraient notamment très serrées, voire négatives présentement. Selon, le dernier rapport mensuel du Département de l’Agriculture des États-Unis, les importations chinoises devraient d’ailleurs fléchir au cours de la prochaine année. Enfin, on s’attend également à une baisse des importations chinoises mensuelles de soya pour le mois d’août à autour de 4,5 millions de tonnes contre un sommet de plus de 2 ans atteint en juillet à 5,87 millions de tonnes.

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On m’a demandé si j’anticipais une hausse plus importante du prix du maïs au Québec cette année, étant donné que la demande à l’exportation était plus forte que la normale cette année. C’est une excellente question, mais difficile à répondre.

Mais le fait est que si on regarde du côté des ventes américaines à l’exportation actuelles de soya pour la prochaine année, et si on met dans la balance le niveau extrêmement serré d’inventaires américains de soya prévu pour 2012-13, il y a de quoi être encore nerveux.

Comme le révèle très bien le graphique ci-joint, le fait est que l’appréciation très importante du prix du soya des 2 derniers mois ne semble avoir aucunement tempéré l’ardeur des consommateurs. Bien au contraire, si l’on se fit à ces données qui proviennent du USDA, les ventes à l’exportation de soya américain pour la prochaine année n’ont jamais été aussi élevées, s’établissant déjà à un total de plus de 16 millions de tonnes, alors que la prochaine année commerciale (2012-13) n’est même pas encore débutée.

Selon le dernier rapport mensuel de l’USDA, les exportations totales de soya américain pour 2012-13 devraient être de 33,02 millions de tonnes. Autrement dit, nos voisins du sud ont déjà vendu pratiquement la moitié de ce qu’ils prévoient exporter l’an prochain! Par comparaison, en moyenne depuis 5 ans, c’est normalement seulement 20% des ventes à l’exportation de la prochaine année qui sont complétées à ce moment-ci de l’année.

Maintenant, il y a deux manières de percevoir cette information.

La 1er, disons plus optimiste pour ceux qui sont déjà forcés d’acheter du soya et du tourteau de soya à des niveaux de prix records, c’est qu’en réaction à des mauvaises récoltes sud-américaines (ne l’oublions pas…) et américaines, les acheteurs ont tout simplement plongé tête baissée dans l’achat frénétique de soya afin d’assurer leur approvisionnement pour la prochaine année. Résultat, à moins qu’ils ne décident d’augmenter leurs activités, ce qui serait surprenant, ceux-ci cesseront plus rapidement d’acheter du soya dans les prochaines semaines/mois. C’est donc dire que l’idée d’un rationnement de la demande pourrait être remise au goût du jour plus rapidement que prévu, et donc forcer une fois pour tout le prix du soya à la baisse.

La 2e manière de voir les choses, et c’est ce que semble pour l’instant croire les marchés, c’est que malgré le prix élevé du soya, les consommateurs n’ont tout simplement pas cesser pour autant leurs activités. Sur cette base, suivant la loi de l’offre et de la demande, à 17$US le boisseau le prix du soya n’est sommes toutes pas assez cher à la bourse pour ralentir la demande de soya. Ceci indique qu’il faudra inévitablement que le prix du soya grimpe donc encore davantage. Jusqu’où? Difficile à dire… Mais certains analystes affirment déjà que 20 $US le boisseau (735 $US la tonne) n’est pas impossible!

Avec le retour de conditions plus près des normales dans le Midwest américain, il semble donc bel et bien que le « rallye météo » qu’on a connu cet été soit chose du passé. Il reste maintenant à prendre en compte l’étendue des dommages occasionnée par la sècheresse, ce que nous allons découvrir dans les prochaines semaines et qui pourrait encore ou non apporté une touche de mouvement haussier sur les marchés. Par contre, dans l’immédiat, les prix des grains avec le soya en tête semblent avoir malgré tout décidé de s’enflammer à nouveau.

Pour les acheteurs, il faudra donc encore s’armer de patience… alors que pour les producteurs de grandes cultures, la cloche de la machine à sous pourrait avoir à nouveau sonné. Mais dans tous les cas, il faut demeurer très prudent dans nos décisions d’achat/vente. Les prix des grains, qui se transigent toujours à des niveaux inégalés, demeurent aussi présentement fortement supportés par les spéculateurs. Et comme toujours, ceux-ci peuvent changer leur fusil d’épaule en un tour de main au moindre signe que de nouvelles informations pourraient leur faire perdre leurs profits…

À PROPOS DE L'AUTEUR

Jean-Philippe Boucher

Jean-Philippe Boucher

Collaborateur

Jean-Philippe Boucher est agronome, M.B.A., consultant en commercialisation des grains et fondateur du site Internet Grainwiz. De plus, il rédige sa chronique mensuelle Marché des grains dans le magazine Le Bulletin des agriculteurs.