
Hier, le prix du maïs prochaine récolte à la bourse a connu une progression quotidienne comme on n’en avait pas observé depuis longtemps en réalisant un bond 0,35 $US boisseau (13,78 $US/TM). Est-ce donc la fin de la chute des derniers mois, ou plutôt une belle opportunité à ne pas manquer? Mise en contexte…
Avec le temps froid et humide qui ne veut pas lâcher prise depuis quelques semaines aux États-Unis, le Département Américain de l’Agriculture (USDA) a révélé hier que seulement 5% du maïs était semé en date de dimanche dernier. Les marchés gardaient plutôt espoir de voir ceux-ci complété à 8-9%.
Pour mettre les choses en perspective, l’an dernier à pareille date, déjà 49% du maïs était semé. 2012 étant cependant une année exceptionnelle à bien des points de vue, en temps normal, en moyenne depuis 5 ans c’est plutôt 31% du maïs qui se devrait d’être semée à ce moment-ci. Cette année, les producteurs américains sont donc bel et bien en retard, et les conditions pour les prochains jours ne s’annoncent toujours pas très favorables.
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Plus de maïs québécois d’exporté cette année?
On m’a demandé si j’anticipais une hausse plus importante du prix du maïs au Québec cette année, étant donné que la demande à l’exportation était plus forte que la normale cette année. C’est une excellente question, mais difficile à répondre.
Avec la dernière récolte qui a forcé les consommateurs américains à devoir se rabattre cette année sur de faibles inventaires d’ici la prochaine récolte, il n’y a ainsi rien de bien surprenant à ce que les marchés s’énervent. Nous voilà donc encore une fois en plein marché météo… Mais, qui dit marché météo, dit aussi prudence!! S’il y a bien un contexte de marché qui est volatile et dangereux, c’est bien celui-là. Pourquoi?
Comme le dit son nom, un marché météo en est un basé uniquement sur la pluie et le beau temps. S’il y a une certaine logique derrière l’idée que par exemple trop de pluie et de temps froid puissent nuire aux cultures, il faut quand même savoir prendre du recul et remettre les choses en perspective. Mais, comme on le sait, s’il y a bien une chose que les spéculateurs ont tendance à ne pas faire, c’est bien d’être « rationnel ».
Si vous prenez le temps de lire les différents fils de nouvelles présentement, ce que vous allez retrouver dans les commentaires des marchés est essentiellement que :
- à partir de la deuxième semaine de mai, les rendements obtenus en maïs pour les semis tardifs diminuent;
- le maïs semé plus tardivement est plus sujet à des dommages occasionnés par du temps chaud et sec, ainsi que par les maladies;
- le fait de ne pouvoir semer hâtivement du maïs augmente les probabilités d’un changement des intentions de semis du maïs au soya.
Bref, autant de facteurs qui ont de quoi rendre nerveux. Toutefois, bien que dans tous les cas ces propos ne soient pas dénudés de fondements et ne doivent pas être pris à la légère, il faut se calmer le « pompon » un peu aussi comme on dit.
Ce que révèle la lecture d’un peu de littérature à ce sujet c’est que, selon plusieurs spécialistes, d’un point de vue agronomique il reste possible de semer du maïs aux États-Unis essentiellement jusqu’à la fin mai sans que trop de perte de rendement ne soit vraiment observée. Autrement dit, on a encore quelques semaines avant que le retard dans les semis américains ne devienne un « vrai » problème.
Historiquement, il faut aussi prendre le temps de regarder un peu plus en détail ce qui a déjà été observé dans le passé. Les marchés ont d’ailleurs la mémoire très courte à ce sujet…
Ce que révèle le graphique que je vous ai rapidement concocté, ce sont les années depuis 1980 au cours desquelles les semis de maïs ont été tardifs (zones rouges) aux États-Unis, ce qu’il aura été le cas en huit occasions. Ce qu’on constate en un clin d’œil est que 5 fois sur 8 (62,5% du temps) les rendements obtenus auront été malgré tout au moins conforme à la tendance (ligne noire sur le graphique).
Toujours selon les spécialistes, la raison pour expliquer ce phénomène est très simple. Si la date de semi est un élément important dans l’obtention de bons rendements, il n’est certainement pas le seul. On peut avoir par exemple de mauvais semis, mais si les conditions au cours du reste de l’année sont favorables, la résilience des plants de maïs à s’adapter à une année plus courte ne devrait pas être sous-estimée non plus. En fait, selon eux, les vrais mois cruciaux pour les cultures de maïs aux États-Unis seraient plutôt ceux de juillet et août, périodes au cours desquelles la pollinisation et le remplissage des grains ont lieu.
Si la réaction d’hier des marchés concernant le maïs n’est pas sans fondement, rien ne permet donc d’affirmer encore pour l’instant que la prochaine récolte de maïs aux États-Unis ne soit vraiment menacée. Il faut cependant rester aux aguets. Si les conditions froides et humides persistent dans les prochaines semaines, sans aucun doute pourrons-nous alors nous inquiéter. Par contre si un retour à la normale à plutôt lieu, le risque de voir le prix du maïs retourner à la baisse de manière importante plane toujours… d’autant qu’en réalité, avec la sècheresse de l’été dernier, ne faillait-il pas ce coup d’eau pour permettre aux sols américains de fournir une bonne récolte cette année?