Beaucoup d’encre aura coulé à partir de la fin juin dernier à l’effet que les prévisions d’ensemencements, et celles des superficies récoltées n’étaient pas cohérentes aux États-Unis. Avec les ensemencements très tardifs, on pouvait d’ailleurs avec raison se questionner à ce sujet, spécialement considérant les superficies qui n’auront pu être semé (prevented planting) avec le début de saison très tardif.
À ce sujet, beaucoup d’analystes s’accordent par contre maintenant à dire qu’avec les plus récents chiffres fournis par les producteurs américains en août (via les programmes du Farm Service Agency « FSA »), on ne doit plus s’attendre nécessairement à de grands changements. Des superficies n’auront pas été semées, d’autres auront échoué suivant les semis. Mais au net, si d’autres ajustements sur les superficies semées et récoltées sont prévoir, les données maintenant disponibles sont beaucoup plus concrètes et cohérentes qu’elles ne l’étaient il y a quelques semaines.
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Plus de maïs québécois d’exporté cette année?
On m’a demandé si j’anticipais une hausse plus importante du prix du maïs au Québec cette année, étant donné que la demande à l’exportation était plus forte que la normale cette année. C’est une excellente question, mais difficile à répondre.
La grande question demeure concernant les rendements américains à prévoir cet automne et qui peuvent encore surprendre. D’ailleurs, nous aurons un autre rapport important du USDA la semaine prochaine (jeudi 12 septembre). Ce rapport sera particulièrement à surveiller puisque ce sera la 1re fois cette année que le USDA utilisera des données au champ pour ajuster ses prévisions de rendement.
Sans surprise, dans les derniers jours, un raz de marée de nouvelles projections de rendements ont donc afflué : FC Stone, Allendale, Planalytics, Bruler, Pro Farmer, Gro Intelligence DTN, et j’en passe. Et que disent ces prévisions?
Pour le maïs, on ne devrait pas s’attendre à des changements nécessairement très importants. Essentiellement, les prévisions jouent de 166 à 168,4 bo./acre versus la prévision actuelle du USDA de 169,5 bo./acre et un rendement l’an dernier de 176,4 bo./acre. Certains se montrent quand même moins optimistes avec des prévisions de 162 à 163 bo./acre.
Basée sur ces informations, la récolte américaine de maïs pourrait alors reculer de 13,9 à 13,6 à 13,8 milliards de boisseaux; possiblement aussi peu que 13,2 à 13,4 milliards de boisseaux suivant les projections les plus pessimistes.
Si c’est les cas, on retient toutefois que dans le « pire » des cas, les stocks américains reculaient alors autour de 1,5 milliard de boisseaux contre 2,2 milliards de boisseaux de prévu et 2,4 milliards de boisseaux l’an dernier. Ce serait certainement positif pour le marché du maïs… Mais suivant des projections plus conservatrices, on n’afficherait par contre qu’un recul autour de 1,9 à 2,0 milliards de boisseaux.
Tout ceci ne tient pas compte non plus du fait que du côté des exportations américaines de maïs et de l’éthanol, la demande aux États-Unis est sur la corde raide depuis maintenant quelques semaines. Il apparait donc difficile de croire que nous aurons vraiment un contexte plus serré et propice à une hausse remarquable des prix…
Le son de cloche est sensiblement le même dans le soya où les prévisions jouent autour de 46 à 48,3 bo./acre contre 48,5 bo./acre de prévu par le USDA jusqu’ici, et 51,6 bo./acre l’an dernier. Considérant ces chiffres, la récolte américaine reculerait alors de 4,5 milliards de boisseaux l’an dernier à aussi peu que 3,5 milliards de boisseaux cette année; le USDA se situant actuellement ses projections à 3,68 milliards de boisseaux.
En d’autres circonstances, une chute aussi incroyable de plus de 20% de la production américaine de soya aurait certainement fait exploser les prix. Mais, cette année, on le sait, tout a été chamboulé par la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine qui s’étire en longueur, en plus de la peste porcine africaine qui sévit en Chine. Depuis maintenant pratiquement un an et demi, nous assistons à une véritable « destruction » de la demande qui avait depuis plus d’une décennie alimenté la fermeté du marché du soya.
Ainsi, même avec une nouvelle réduction de la production américaine de soya avec un rendement moins important, à aussi peu que 46 bo./acre, nous nous retrouverons avec des stocks américains (… et mondiaux) encore très élevé. Aux États-Unis, nous serions à 575 millions de boisseaux, ce qui demeure nettement au-dessus des niveaux des dix dernières années qui avoisinent plutôt 200 millions de boisseaux.
Le USDA pourrait quand même surprendre de manière positive la semaine prochaine, ce qui aurait le mérite de faire bondir les prix. Considérant cependant le contexte et les prévisions actuelles de rendements les plus pessimistes, il apparait de plus en plus difficile de prévoir que nous aurions matière à envisager une fermeté importante et soutenue des prix prochainement. Il ne resterait en réalité que Dame Nature qui pourrait encore jouer un tour avec des gels hâtifs ce mois-ci, avec la conséquence de faire reculer davantage les rendements américains…