Ce serait presque trop beau pour être vrai s’il s’agissait d’un fonds commun de placement, mais je souhaite parler ici de la stabilité des cultivars et des hybrides de grandes cultures. Toutefois, l’analogie s’avère puisqu’il est plus difficile de maintenir la stabilité lorsque les rendements des cultures sont élevés. On ne pourrait pas parler de stabilité des cultivars sans aborder le sujet de l’héritabilité des caractères qui la définissent. En effet, l’apparence des êtres vivants, c’est-à-dire leur phénotype, est le résultat de l’expression des gènes qu’ils portent et de l’influence qu’a le milieu sur leur apparence.
L’expression de certains traits, telle la couleur du grain chez le maïs, est peu ou pas façonnée par le milieu, tandis que d’autres caractères sont fortement régis par l’environnement. Or, l’héritabilité est simplement la proportion du phénotype qui est sous le contrôle des gènes. On la calcule dans des essais de sélection et elle varie en fonction du matériel en observation et du nombre de lieux d’essais. Selon mon expérience, la taille, le taux de protéine ou le poids spécifique ont une héritabilité qui se situe entre 0,5 et 0,7. On pourrait alors dire que la génétique s’exprime fermement et que l’environnement a moins d’influence sur ces caractères. En revanche, le rendement et la précocité des cultivars ont souvent une héritabilité entre 0,4 et 0,6 et, finalement, on note de faibles valeurs, de l’ordre de 0,1 à 0,3, pour la robustesse des tiges et des racines. Par conséquent, certains caractères importants dans nos choix de semences sont hautement régis par le lieu d’évaluation. En d’autres termes, un cultivar peut se comporter différemment d’un endroit à un autre ou d’une année à une autre.
Depuis longtemps on s’est attardé à comprendre ce qui affecte la stabilité des cultivars en espérant pouvoir prédire leur comportement et ainsi faciliter leur positionnement. Vous aurez sûrement entendu les expressions « cheval de trait » et « cheval de course » (en anglais workhorse/racehorse). Ces expressions nous viennent des travaux de Finlay & Wilkinson1 qui, à l’aide d’analyses de régression, ont proposé une classification des cultivars selon leur réaction aux différents niveaux de rendement où ils sont évalués. Le graphique ci-dessus illustre comment deux hybrides de maïs ayant la même moyenne sur trois lieux d’essais peuvent néanmoins réagir différemment à trois niveaux de rendement.
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Sélectionner la semence optimale pour le maïs ou le soya représente un gros défi. Bien que les caractéristiques génétiques des hybrides ou des cultivars puissent être connues à l’avance, il demeure difficile de prévoir les conditions de croissance pour la prochaine saison. Voici quelques conseils.
Dans cet exemple, l’hybride B, lorsque comparé à l’hybride A, a un comportement qu’on qualifierait de cheval de course, puisqu’il répond davantage aux niveaux de rendement que l’hybride A. Notons que cette classification est relative, car si l’hybride B était évalué aux côtés d’autres hybrides réagissant encore plus aux niveaux de rendement, il semblerait être un cheval de trait. En réalité, plutôt que d’essayer de catégoriser les hybrides ou les cultivars, on pourrait évaluer leur stabilité de performance dans un même champ et d’un essai à l’autre. D’une part, on calculerait le c.v. (coefficient de variation) provenant des données du capteur de rendement de la moissonneuse-batteuse, s’il n’est pas déjà accessible sur l’écran du capteur, afin de quantifier le taux de variation observé dans chaque bande récoltée. Si le champ est suffisamment uniforme et que chaque bande correspond à un cultivar différent, le c.v. nous informerait sur la stabilité des produits.
Par ailleurs, on pourrait également évaluer la stabilité d’un produit en consultant les différents résultats d’essais de cultivars qui sont à notre portée : résultats d’essais locaux, de sites web de semenciers, du Réseau des grandes cultures du Québec (RGCQ), des essais de performance en Ontario, etc. Peu importe la méthode utilisée pour caractériser la stabilité des produits, soulignons qu’il est toujours difficile de prédire leur comportement lorsqu’ils sont semés dans des environnements auxquels ils n’ont jamais été exposés.
1. K. W. Finlay et G. N. Wilkinson. 1963. ANALYSIS OF ADAPTATION IN A PLANT-BREEDING PROGRAMME. Australian Journal of Agricultural Research 14:742-754