L’exigence en matière de poids spécifique

Publié: 29 octobre 2024

Cette photo montre deux hybrides ayant une densité différente. On y observe l’amidon plus dense et vitreux dans l’épi de droite. Cet amidon plus dense risque de ralentir la migration de l’eau du centre du grain vers sa surface et ainsi retarder sensiblement le séchage.

En amélioration génétique du maïs, la sélection pour un rendement élevé se fait dans le contexte d’une précocité prédéfinie. Il est bien connu que les hybrides précoces ont un rendement inférieur à celui des hybrides tardifs, mais présentent une teneur en eau plus faible à la récolte.

Par conséquent, dans les essais d’hybrides, le rendement n’a de valeur que s’il est ajusté en fonction des coûts de séchage, en tenant compte de la teneur en eau du grain. Ainsi, les hybrides supérieurs doivent se distinguer par un meilleur rendement et une plus grande capacité de séchage.

Cependant, comme ce sont souvent les hybrides aux grains moins denses qui sèchent le plus rapidement, les génotypes qui se démarquent en termes de rendement et de précocité sont souvent ceux ayant le plus faible poids spécifique.

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Bien que certains hybrides aux grains denses puissent également se démarquer, le critère du poids spécifique écarte de nombreux candidats, dont certains présentent d’autres qualités agronomiques intéressantes.

La photo ci-haut montre deux hybrides ayant une densité différente. On y observe l’amidon plus dense et vitreux dans l’épi de droite. Cet amidon plus dense risque de ralentir la migration de l’eau du centre du grain vers sa surface et ainsi retarder sensiblement le séchage.

On peut se poser des questions sur l’importance d’avoir un poids spécifique minimum élevé. Bien sûr, il faut répondre aux exigences du classement des grains. Lors de l’établissement des normes, on a probablement considéré le poids spécifique comme une manière simple de prédire la qualité alimentaire du grain. Pourtant, de nombreuses études ont montré que le poids spécifique, en l’absence de toxines, influence très peu la performance alimentaire.

À l’ère des technologies de détection des mycotoxines et de l’analyse des composantes du grain, il serait possible de découpler le poids spécifique des autres facteurs influençant la performance animale. Un assouplissement éventuel de cette exigence favoriserait ainsi le progrès génétique en matière de rendement ajusté pour la précocité.

Dans le cadre de la sélection des hybrides, il est important de noter que la densité apparente du grain, généralement comprise entre 1,1 et 1,3 g/cm³, n’est pas le seul facteur déterminant du poids spécifique. La forme du grain joue également un rôle dans la façon dont les grains se tassent dans le récipient d’un demi-litre utilisé pour calculer le poids spécifique.

Par exemple, un maïs ayant une densité de grain de 1,2 g/cm³ et un poids spécifique de 70 kg/hl (environ 0,7 g/cm³) contiendrait 42 % d’interstices. Un autre hybride ayant la même densité apparente pourrait toutefois avoir un poids spécifique de 68 kg/hl si la forme de ses grains laissait davantage d’interstices (43 %) dans l’échantillon.

Finalement, qu’est-ce qui compte le plus pour l’animal d’élevage : la densité inhérente du grain – sa texture – ou celle de l’échantillon, incluant les interstices ? Même chez la volaille, où le volume de la ration peut être limitant, la plupart des études ont du mal à associer la performance animale au poids spécifique du maïs.

D’un point de vue amélioration génétique, on sait que plus on ajoute de critères de sélection, plus il est difficile de progresser rapidement sur chacun d’eux. Si le poids spécifique est une exigence du marché, il doit être maintenu ou amélioré.

En revanche, s’il n’est pas absolument nécessaire, éliminer des lignées à faible densité risque de réduire la diversité génétique des hybrides. Je m’explique.

Une stratégie quasi universelle en zones nordiques consiste à puiser dans le germoplasme des régions plus au sud afin d’incorporer des gènes à haut rendement tout en conservant la précocité du matériel local.

Or, les grandes régions productrices du Midwest américain acceptent plus facilement des hybrides moins denses, de sorte que nos exigences élevées en matière de densité nous empêchent d’évaluer des croisements qui nous seraient autrement utiles.

En somme, il est essentiel de reconnaître que l’exigence en matière de poids spécifique peut constituer un frein au progrès de la sélection sur d’autres aspects agronomiques du maïs.

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À PROPOS DE L'AUTEUR

Jean-Marc Montpetit

Jean-Marc Montpetit

Chroniqueur au Bulletin des agriculteurs

Jean-Marc Montpetit est sélectionneur de végétaux et agronome. Il fait aussi de la vulgarisation de concepts agronomiques auprès des agriculteurs.