Le secteur agricole navigue en eaux troubles depuis plusieurs années et ceux qui espéraient un répit pourraient être déçus. Charles-Félix Ross, directeur général à l’UPA, a mis l’accent sur les difficultés auxquelles les producteurs agricoles pourraient faire face dans les prochaines années lors du Colloque gestion du CRAAQ de retour en personne après deux ans en virtuel. L’inflation et la hausse des taux d’intérêt sont au cœur des préoccupations en raison de l’impact que la première a déjà sur la rentabilité des entreprises, tandis que le second constitue une menace latente, surtout si la Banque du Canada poursuit une politique monétaire musclée.
L’impact de l’inflation se mesure en effet fortement sur les dépenses dans le secteur agricole au Québec. Le prix des engrais, du diésel et des grains ont bondi depuis un an. À titre d’exemple, le prix du diésel a augmenté de 77% de 2021 à 2022. Certains sont plus affectés que d’autres, tels que les éleveurs, tandis que les producteurs de grains se trouvent avantagés. Le secteur agricole affiche d’ailleurs une inflation plus forte que les autres secteurs d’activités. Les problèmes d’approvisionnement, les liquidités abondantes pendant la pandémie sont responsables de l’inflation qui a atteint son niveau le plus élevé en 40 ans au Canada en affichant 8%, alors que la normale se situe entre 1 et 3%.
La hausse des taux d’intérêt, qui ont grimpé de 3% en un an, aura également un impact important. Selon les chiffres présentés par M. Ross, les dépenses d’exploitation liées aux intérêts s’établissaient à 248 M$ au 2e trimestre de 2021, un chiffre qui passerait à 1,5 G$ dans un an. Au total, la dette agricole au Québec se situerait à 25 G$ en 2023 si la Banque du Canada hausse tel que prévu ses taux à 4%.
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La situation est jugée préoccupante par M. Ross en raison de l’impact sur les revenus agricoles. Ces derniers devraient diminuer dans les prochaines années en raison de la hausse des dépenses liées à l’inflation et aux taux d’intérêt. D’autres éléments, comme les attentes sociétales et environnementales, pèsent également, selon l’administrateur, sur la rentabilité des entreprises.
À long terme, la situation est toutefois plus encourageante. La demande continue de tirer les produits agricoles vers le haut avec l’augmentation de la population mondiale et la mise en place d’une classe moyenne dans plusieurs pays. Les protéines animales sont en conséquence plus en demande. L’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) prévoit d’ici 2031 une hausse des prix et de la production grâce aux pays en développement.
Le Québec est en bonne posture selon M. Ross pour profiter de la tendance. Les agriculteurs, dont l’âge moyen est de 54 ans, sont les plus jeunes au pays. C’est au Québec qu’on compte aussi le plus grand nombre de fermes bio sans compter que le nombre de fermes a augmenté dans les cinq dernières années. Il note également que le secteur agricole s’est diversifié. D’un point de vue encadrement, les institutions d’enseignement et de recherche sont nombreuses et les producteurs peuvent compter sur des conseillers pour les accompagner.
La prudence est toutefois de mise pour les deux à trois prochaines années. Il faudra surveiller les coûts d’entreprise et réévaluer sa gestion de risque, surtout qu’une récession pourrait se pointer.
M. Ross a terminé en lançant un message au gouvernement en l’invitant à alléger la lourdeur administrative des producteurs et en accompagnant davantage financièrement le secteur, à la hauteur des autres pays avec le Québec est en compétition.
À souligner également, le Groupe AGECO et AGRicarrière ont présenté durant le colloque un rapport sur la main-d’œuvre agricole travaillant à temps plein qui démontre une amélioration au point de vue des ressources humaines. Renaud Péloquin, producteur de la Ferme de Ste-Victoire, a présenté son projet de bandes riveraines élargies en abordant les coûts et programmes accessibles. L’aspect fiscal a, pour sa part, été abordé par Éric Lavoie, planificateur financier, conseiller en épargne collective et conseiller en sécurité financière à Services Financiers Groupe Investors. Simon Brière, stratège principal à R.J. O’Brien & Associés Canada, a quant à lui discuté des mythes et réalités des échanges en bourse et de la meilleure manière d’utiliser cet outil pour la rentabilité de l’entreprise.
Le CRAAQ rendra disponible les présentations sur son site pour une période d’un mois.