Le monde agricole déçu des engagements du gouvernement Legault

Selon une étude, la taxation carbone coûte 7300 $ par entreprise annuellement

Publié: il y a 3 jours

Le monde agricole déçu des engagements du gouvernement Legault

Plusieurs dossiers présents dans l’actualité ont fait réagir à la fois l’UPA et les Producteurs de grains du Québec (PGQ). Celui de la taxation carbone en est un, ainsi que les engagements de 106 M$ faits il y a un an pour aider les producteurs agricoles à faire face aux changements climatiques.

En juin dernier, le MAPAQ a ajouté un montant de 81 M$ pour un total de 187,3 M$ sur cinq ans. L’annonce indique que 85% des sommes seront destinés aux producteurs pour des projets de réduction des émissions de gaz à effet de serre et pour de l’adaptation aux changements climatiques. Les mesures indiquées comprennent une somme de 30 M$ pour financer le programme visant le raccordement au réseau électrique triphasé, 21 M$ du Fonds bleu pour de l’agriculture dans les littoraux, 10 M$ destinés à des projets du secteur bioalimentaire pour réduire les émissions de GES et 6 M$ pour financer des projets de développement des connaissances et de création d’outils pour soutenir la transition climatique des secteurs de l’agriculture, des pêches et de l’aquaculture commerciale.

Le nouveau président des PGQ, Sylvain Pion, a déclaré dans une récente lettre ouverte dans les médias que « les attentes se heurtent à une mise en œuvre lente, incomplète et encore théorique », quant à ces engagements. De plus, le montant de 187 M$ ne couvrent pas les 480 M$ déboursés par les producteurs (dont 125 M$ par le secteur des grains) depuis 2015 dans le cadre de la politique sur le carbone.

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Autant les PGQ que l’UPA déplorent que les agriculteurs québécois se trouvent en position d’iniquité par rapport au reste de leurs collègues canadiens où ce volet de la politique sur le carbone a été récemment aboli.

En entrevue avec Le Bulletin, Sylvain Pion revient sur les modalités du dernier plan d’aide, dont l’ensemble est jugé insuffisant, considérant les besoins actuels. « L’annonce contient des choses qui ne sont pas réalistes ou réalisables, comme le raccordement au réseau électrique triphasé. Le réseau électrique actuel ne supporterait pas cette grande consommation d’énergie qui survient surtout de novembre à décembre, pendant environ de six à huit semaines. Le gouvernement fait fausse route. Ce ne serait pas non abordable quand même ce serait accessible pour les producteurs. Et le gouvernement n’a pas de plan B sur cette question. » De plus, le problème concernant l’énergie est actuel, alors que les solutions proposées ne pourraient pas être mises en œuvre avant les cinq à sept prochaines années.

Le président rappelle que les producteurs ne sont pas contre la totalité de la tarification carbone mise en place par Québec. Ce qui est principalement dénoncé est le fait que le fonds accumule des sommes qui ne sont pas remises au milieu, ainsi que la perte de compétitivité du secteur vis-à-vis les producteurs d’ailleurs. Sylvain Pion souligne d’ailleurs que le prix des crédits pour le propane a diminué lors des deux dernières enchères à la bourse carbone, alors que la tarification imposée pour les agriculteurs envers le diésel n’a pas baissé.

Selon une étude de compétitivité réalisée par le gouvernement, il en coûte en moyenne 7300 $ par entreprise annuellement en taxation carbone, comparativement aux compétiteurs, soulève le président. Il s’agit de sommes que les producteurs d’ici pourraient utiliser pour réduire leurs frais et être plus compétitifs vis-à-vis des Américains. Sylvain Pion donne aussi en exemple le coût du transport, que ce soit pour les grains ou les intrants, dont la différence est transférée aux producteurs, par rapport aux autres provinces. Et encore ici, les promesses de disparition des barrières interprovinciales ne se concrétisent pas. « Depuis 2015, on chemine et on veut faire avancer le dossier, à être productif et compétitif, surtout avec les dernières élections américaines. La tarification serait l’élément le plus justifiable à travailler, mais il y a encore beaucoup de réticence (de la part du gouvernement). »

Le mot d’ordre pour le moment auprès des PGQ et de l’UPA est de continuer à mettre de la pression sur le gouvernement et de le sensibiliser aux différents enjeux vécus par le secteur agricole. Toutefois, l’entente de bonne foi réglée l’an dernier tarde à se concrétiser. « On a encore du temps pour décortiquer l’entente de 2024 mais les producteurs terrain n’ont pas vu grand chose ».

Sylvain Pion insiste sur ce point : tout n’est pas négatif dans ce que propose Québec, mais il souhaite que ce soit les engagements soient faits selon les besoins exprimés par le milieu, avec de l’accompagnement et des normes atteignables.

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À PROPOS DE L'AUTEUR

Céline Normandin

Céline Normandin

Journaliste

Céline Normandin est journaliste spécialisée en agriculture et économie. Elle collabore également au Bulletin des agriculteurs.