La taxe carbone sous pression dans le monde agricole

Publié: 20 mai 2025

La taxe carbone sous pression dans le monde agricole

Alors que le gouvernement québécois mène de nouvelles consultations sur les priorités de l’offre et la demande d’énergie dans la province, l’Union des producteurs agricoles (UPA) demande des modifications quant à la gestion de la tarification carbone. Plus précisément, l’organisation réclame que les sommes déboursées par les producteurs agricoles leur soient remboursées ou réinvesties dans des initiatives « structurantes ».

La demande de l’UPA survient plus d’un mois après l’abolition par le gouvernement fédéral de la taxe carbone sur les carburants payée par les consommateurs. Contrairement aux autres provinces, cette taxe est toujours en vigueur au Québec puisque la province gère elle-même la tarification, entre autres par la Bourse du carbone et le Fonds d’électrification et de changements climatiques (FECC), l’ancien Fonds vert.

D’ailleurs, les derniers chiffres sur l’indice des prix à la consommation d’avril indiquent que l’inflation a reculé au Canada en raison de l’abandon de la taxe. Le Québec est le seul endroit, avec le Yukon, où l’inflation a augmenté sur un mois. L’UPA invoque d’ailleurs dans ses arguments que le maintien de la taxe désavantage le secteur agricole québécois. Selon l’UPA, les agriculteurs auraient versés plus de 480 M$ au FECC, ce que le gouvernement conteste en avançant plutôt la somme de 150 M$ qui aurait été réinvestie.

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Pierre-Olivier Pineau, professeur à HEC Montréal et responsable de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie, donne en partie raison à l’UPA. Le gouvernement québécois pourrait certainement faire mieux en ce qui a trait à la manière d’accompagner le secteur agricole, dit-il. Ce dernier se trouve coincé avec une absence de ressources alternatives au carburant fossile et une absence de structures. « Cela coûte cher de développer des structures renouvelables, par exemple le gaz renouvelable comme la biométhanisation ou des biocarburants », dit-il.

L’expert plaide donc pour un accompagnement à court terme par le gouvernement par des investissements dans des structures en région, ce qui ne veut pas dire que le secteur agricole doit rester campé sur ses positions. Pierre-Olivier Pineau souligne que les carburants ne représentent qu’une portion des GES émis par l’agriculture. Le secteur rejette huit millions de tonnes par le biais des engrais azotés et des animaux, contre 1 million pour les carburants. Cette portion est la seule pour laquelle les producteurs doivent contribuer à la taxe carbone.

Des producteurs dans d’autres provinces ont agi, par exemple, en utilisant les biogaz à la ferme. Il est aussi possible de réaliser des gains énergétiques en améliorant l’efficacité de ses installations ou de la machinerie. « On doit se mettre en mode solution », croit-il.

Les producteurs agricoles québécois auraient tout avantage à supporter la taxation qui leur permet de se préparer sur le long terme, contrairement aux autres juridictions, ce qui leur permettrait aussi de réduire leur dépendance aux énergies fossiles et à leur approvisionnement, pense le spécialiste. Pierre-Olivier Pineau invoque les grèves ferroviaires qui ont fait mal aux agriculteurs dans les dernières années en créant de l’incertitude et en augmentant les coûts aux moment les plus forts de la saison.

Avec les émissions de GES qui ont continué d’augmenter dans les 30 dernières années, les gouvernements n’auront pas le choix d’intervenir, invoque le directeur de la Chaire. Au lieu des subventions qui ont donné peu de résultats, il faudra réglementer pour faire une différence, avance t-il. La Bourse du carbone constitue un des outils du gouvernement et elle est essentielle afin de se préparer à ce qui surviendra dans les prochaines années avec les changements climatiques. « Paradoxalement, on en aura moins à faire plus tard et on sera mieux préparé si on agit maintenant, dit-il, que ce soit en adaptant les bâtiments, en changeant les modes de consommation et en définissant les zones inondables. »

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À PROPOS DE L'AUTEUR

Céline Normandin

Céline Normandin

Journaliste

Céline Normandin est journaliste spécialisée en agriculture et économie. Elle collabore également au Bulletin des agriculteurs.