Montréal (Québec), 22 novembre 2004 – Réunis en plein centre-ville de Montréal, une centaine de producteurs laitiers et de bovins de boucherie donnaient le coup d’envoi d’une vaste opération « vaches et balles de foin » destinée à tous les ministres fédéraux et provinciaux, du Grand Montréal, mais également partout au Québec.
Dénonçant l’aide gouvernementale insuffisante dans la crise qui les affecte durement depuis maintenant 18 mois, les producteurs n’ont pas hésité à sillonner les rues de la ville pour se rendre aux bureaux de comté du premier ministre du Canada et de tous les ministres fédéraux et provinciaux de la grande région métropolitaine.
« Il s’agit d’une grande première pour les ministres urbains qui ont moins eu la chance que leurs collègues des régions de rencontrer des producteurs, d’enjamber des balles de foin et de nourrir du bétail. Comme les ministres ne semblent pas réaliser la gravité de la situation, nous avons pris l’initiative de « venir en ville » pour qu’ils comprennent un peu mieux le désarroi des producteurs qui tentent de sauver leur entreprise », de déclarer M. Michel Dessureault, président de la Fédération des producteurs de bovins du Québec.
Lors de ces visites « ministérielles », les producteurs ont remis un certificat de propriété d’une belle vache de réforme ainsi que le foin nécessaire pour la nourrir. Ils veulent ainsi rappeler qu’ils n’ont plus les moyens de s’occuper de leur bovin en raison de l’inaction des gouvernements. Pendant ce temps, à proximité du Parc La Fontaine, les 16 vaches identifiées et bien installées, attendaient paisiblement la prise en charge par leur nouveau propriétaire respectif.
Un front commun à la grandeur du Québec
Simultanément, dans le but d’interpeller les 17 autres ministres du gouvernement du Québec et du gouvernement fédéral, des actions tout aussi percutantes se déroulent à l’échelle du Québec. Au programme bien sûr, des remises de vaches adaptées cette fois aux couleurs locales des régions.
Pour M. Christian Lacasse, premier vice-président de l’Union des producteurs agricoles (UPA), les producteurs sont plus déterminés que jamais à se faire entendre des politiciens québécois. « Aujourd’hui, le message que nous envoyons aux 33 ministres québécois des deux paliers de gouvernement est clair, mais ferme. Qu’attendez-vous pour intervenir adéquatement et sauver les fermes bovines et laitières avant qu’il ne soit trop tard ? » Le premier vice-président de l’UPA a tenu à préciser que si aucun geste concret, véritablement significatif n’était rapidement posé, les gouvernements auront à composer avec des producteurs, à bout de patience, prêts à « monter au front ».
Pour M. Marcel Groleau, président de la Fédération des producteurs de lait du Québec (FPLQ), la situation que vivent actuellement les producteurs est révoltante. « Dans certains cas, le prix de vente des vaches ne couvre même pas les frais de commercialisation et le producteur reçoit une facture plutôt qu’un chèque. Ça n’a aucun bon sens ! Pourtant, le gouvernement a les pouvoirs de changer les choses. Les producteurs réclament du gouvernement qu’il intervienne immédiatement pour fixer un prix minimum décent pour les animaux de réforme. Il l’a bien déjà fait pour le prix des légumes en serre, pourquoi ne le fait-il pas pour nos vaches ? » Le président de la FPLQ a conclu en précisant que cette mesure ne coûte pas un sou à l’État ni aux consommateurs, et garantit un revenu minimal aux producteurs.
D’ailleurs, la Fédération des producteurs de bovins du Québec a décidé de se prévaloir des pouvoirs qui lui sont conférés en vertu de la Loi sur la mise en marché des produits agricoles et agroalimentaires du Québec, afin de mettre en application, elle-même, un prix plancher pour les vaches de réforme du Québec, et ce, à compter du 29 novembre prochain. « Nous sommes pleinement conscients, de renchérir le président de la Fédération des producteurs de bovins du Québec, que l’unique abattoir de bovins de réforme au Québec peut décider de s’approvisionner en vaches à l’extérieur du Québec, et c’est pour cela que nous continuons de demander une intervention gouvernementale. »
En plus de l’établissement d’un prix plancher pour les animaux de réforme, les deux fédérations concernées et l’UPA réclament au gouvernement des programmes d’aide adaptés à la réalité du Québec et à la hauteur de nos besoins, pour compenser la chute de prix de toutes les catégories de bovins, qu’ils soient destinés à l’engraissement, à l’abattage ou à la reproduction.
Quant à l’annonce faite par la ministre de l’Agriculture du Québec, Mme Françoise Gauthier, vendredi dernier, on ne retrouve dans les faits, que 12,3 M $ d’argents neufs, alors que les producteurs cumulent des pertes non couvertes de 241 M $. Qui plus est, ce 12,3 M $ provient exclusivement du gouvernement fédéral et ne sert qu’à financer le programme de mise de côté des veaux d’embouche et des bouvillons d’abattage. Le solde des sommes annoncées ne constitue que des avances de fonds provenant des programmes réguliers (ASRA et PCSRA). Il n’y a donc rien dans cette annonce pour couvrir les chutes de prix qui affligent toutes les catégories de bovins, ni pour tous les autres ruminants, qui eux aussi souffrent des conséquences de la crise. La ministre n’annonce également rien pour régler la situation des bovins de réforme.
Pour les prochaines étapes des actions de mobilisation, les producteurs se donnent rendez-vous à Québec le jeudi 25 novembre, pour rencontrer les parlementaires, en précisant que les interventions iront en se multipliant et en s’accélérant jusqu’à la tenue du Congrès général de l’UPA, qui se déroulera du 30 novembre au 2 décembre prochains, où la crise des revenus en agriculture, notamment causée par la découverte d’un cas unique de vache folle en Alberta le 20 mai 2003, sera au coeur des travaux et des discussions.
Après maintenant 18 mois de crise, les frontières américaines sont toujours fermées aux bovins vivants et à la viande de boeuf de plus de 30 mois, ce qui représente environ 60 % du commerce bovin. Les producteurs n’ont actuellement d’autre choix que de vendre leurs animaux à un prix dérisoire, jusqu’à 87 % inférieur à celui d’avant la crise. Même en tenant compte des aides gouvernementales consenties depuis le début de la crise, les éleveurs de bovins de boucherie et les producteurs laitiers cumulent à ce jour des pertes de 241 M$.
Site(s) extérieur(s) cité(s) dans cet article :
Fédération des producteurs de bovins du Québec (FPBQ)
http://www.bovin.qc.ca/
Fédération des producteurs de lait du Québec
http://www.lait.org
Ministère de l’agriculture des pêcheries et de l’alimentation du Québec (MAPAQ)
http://www.mapaq.gouv.qc.ca
Union des producteurs agricoles (UPA)
http://www.upa.qc.ca/
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