Le marché du soya a connu une progression vraiment exceptionnelle au cours des dernières semaines. Sur le contrat à terme de la récolte à la bourse, celui de novembre 2013, nous sommes en effet passé d’un creux de 11,69 $US/boisseau au début du mois d’août à des sommets de plus de 14 $US/boisseau au cours de la dernière semaine. Il s’agit d’un bond peu commun de plus de 2,30 $US/boisseau. Autrement dit, excluant la valeur de la base, on parle ici d’un gain dépassant les 80 $CAN la tonne en quelques semaines pour les producteurs québécois. Ce n’est pas rien…
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Plus de maïs québécois d’exporté cette année?
On m’a demandé si j’anticipais une hausse plus importante du prix du maïs au Québec cette année, étant donné que la demande à l’exportation était plus forte que la normale cette année. C’est une excellente question, mais difficile à répondre.
En guise de remerciement, ceux-ci peuvent d’ailleurs saluer Dame Nature qui aura à nouveau pris de court les marchés en mettant progressivement en place des conditions trop chaudes et un début de sècheresse dans le Midwest américain au cours des dernières semaines.
Maintenant, si je me fie aux nombreux commentaires que j’ai recueillis auprès des producteurs la semaine dernière à Expo-Champs, je dirais que plusieurs ont déjà saisi l’opportunité au vol. Mes discussions avec plusieurs acheteurs de soya me le confirment également. Mais, était-ce la bonne décision ?
Pour ma part, il y a deux manières de voir les choses.
D’un côté, rien ne dit pour l’instant que les conditions météorologiques prendront vraiment du mieux dans le Midwest américain dans les prochains jours/semaines. Rien n’exclut non plus des gels hâtifs qui pourraient aussi réduire davantage les rendements prévus. Si les préoccupations entourant ce que sera la prochaine récolte américaine ce sont déjà très bien fait sentir jusqu’ici, il se peut donc très bien que la situation s’envenime encore davantage. Si c’est le cas, ceux qui auront misé à nouveau sur la météo seront alors les grands gagnants sans aucun doute.
Par contre, d’un autre côté, plusieurs éléments menacent aussi de forcer à nouveau à la baisse le marché du soya. Bien entendu, si les conditions météorologiques prennent plutôt du mieux d’ici la récolte dans le Midwest américain et qu’aucune gelée hâtive ne menace les cultures, on peut s’attendre à ce que le marché du soya soit déjà freiné dans sa lancée.
La semaine prochaine, le Département de l’Agriculture des Etats-Unis (USDA) présentera également son rapport mensuel qui révèlera notamment les nouvelles prévisions de récoltes américaines ; ce même rapport qui avait d’ailleurs enflammé les marchés au début du mois d’août dernier. Or, ce mois-ci, à quoi s’attendre de ce côté ?
Tout d’abord, il faut savoir qu’au cours des 10 dernières années, l’organisme américain n’a jamais revu à la baisse ses estimations de superficies ensemencées ou récoltées en soya américain dans son rapport de septembre. Rien n’exclut qu’il le fasse cette fois-ci, mais ce sera alors un nouveau revirement inattendu pour les marchés.
Si les superficies ensemencées et récoltées ne sont habituellement pas révisées, ce n’est toutefois pas le cas des rendements et il devient ici intéressant de remettre en perspective quelque peu les choses à ce niveau.
L’an dernier, avec la sècheresse historique observée aux États-Unis, le rendement moyen obtenu par les producteurs américains a été de 39,6 boisseaux/acre. Depuis 5 ans, excluant l’année exceptionnelle de l’an dernier, le rendement moyen obtenu aura par contre atteint plutôt 42,2 boisseaux/acre. Or, présentement, le USDA estime le rendement moyen de la récolte de cette année à 42,6 boisseaux/acre.
Autrement dit, il ne serait pas vraiment surprenant de voir le USDA revoir à nouveau à la baisse le rendement moyen en soya aux États-Unis dans son rapport de ce mois-ci, considérant, entre autres, le fait que sa prévision actuelle est déjà au-dessus de la moyenne des dernières années. De quoi finalement donner encore probablement un peu de « pep » au marché du soya.
Par contre, il faut aussi nuancer les propos des analystes trop pessimistes en gardant à l’esprit qu’il serait aussi surprenant de voir les rendements obtenus cette année être inférieurs à ceux de l’an dernier. Et si cette réalité pouvait ne pas frapper l’imaginaire des marchés dans les prochains jours/semaines, elle pourrait malgré tout les rattraper tôt ou tard lorsque les vrais chiffres officiels seront connus et viendront dégonfler un peu la balloune.
Enfin, toujours dans l’idée de remettre les choses un peu en perspective, il est aussi intéressant de rappeler que le rebond que nous connaissons présentement dans le marché du soya, bien qu’exceptionnel par son importance, ne représente en lui-même pas un phénomène nouveau. C’est ce qu’illustre bien le graphique suivant où on constate qu’en fait, le mois d’août propose généralement un rebond avant une glissade finale vers un creux annuel au début d’octobre.
À la lueur des informations que je viens de vous présenter, était-ce une bonne décision ou non de vendre dernièrement son soya pour la prochaine récolte ? Pour ceux qui aiment à risquer le tout pour le tout, peut-être bien que non… Seules les prochaines semaines/mois pourront vraiment nous le dire. Et qui sait, après une mauvaise récolte américaine, ce sera peut-être bien au tour de l’Amérique du Sud de décevoir aussi cette année. Par contre, pour ceux qui préfèrent répartir leur risque ou tout vendre à la récolte, plusieurs éléments indiquent qu’il aura été certainement avantageux de réaliser des ventes dernièrement.