Le rallye se poursuit dans les grains. Tour à tour, les analystes que je lis quotidiennement s’interrogent sur la continuité de cette remarquable hausse qu’on n’aurait pas même espéré il y a à peine quelques semaines encore.
Sur le fond, ce regain n’est pas aussi étonnant qu’il n’y paraît, bien que je doute qu’on aurait pu anticiper autant de fermeté.
Bon an mal an, le printemps est toujours une période de grande nervosité qui penche bien souvent du côté haussier de la balance pour les prix. Une année la météo est trop chaude et sèche, l’autre elle est trop humide et fraiche. De mon expérience, rares sont en fait les années parfaites et sans encombre pour débuter la saison. Résultat, à un moment ou un autre au cours du printemps/début d’été, les prix grimpent. Tant et si bien qu’historiquement, on parle même d’une tendance saisonnière haussière pour les prix au printemps; un phénomène qu’il est très facile d’observer quand on regarde le comportement des prix à Chicago sur plusieurs années.
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Plus de maïs québécois d’exporté cette année?
On m’a demandé si j’anticipais une hausse plus importante du prix du maïs au Québec cette année, étant donné que la demande à l’exportation était plus forte que la normale cette année. C’est une excellente question, mais difficile à répondre.
Après des mois très difficiles, de toute évidence 2016 n’aura donc pas échappé à cette saisonnalité. Après avoir joué avec le feu à des creux autour de respectivement 3,50 $US/boisseau et 8,50 $US/boisseau pour le maïs et le soya à Chicago, les prix ont amorcé un remarquable rallye à partir de la fin mars. Au moment d’écrire ces lignes, toujours à Chicago, le prix du maïs vient de passer le cap de 4,00 $US/boisseau et celui du soya frise 11$US/boisseau. Ce sont de très bonnes progressions, spécialement pour le soya.
Pourtant, quand on regarde la météo actuelle et la progression des ensemencements aux États-Unis, on ne peut dire qu’il a particulièrement matière à craindre de mauvaises récoltes à l’automne. Si on regarde du côté de la quantité de grains actuellement disponible, tout comme celle qu’on prévoit présentement pour la prochaine année, on peut difficilement envisager aussi un manque à gagner qui justifie une hausse importante des prix.
Mais, c’est sous-estimer les marchés que de croire qu’ils ne s’en tiendront qu’à ces faits.
Après El Nino, le phénomène météo La Nina serait sur le point d’entrée dans la course, peut-être même plus tôt que prévu. C’est dire que des possibilités de sécheresses sont sur le radar pour cet été aux États-Unis. Les avis sont cependant partagés à ce sujet, d’autant qu’il n’est pas encore certain que La Nina poindra son nez. Sauf qu’à défaut de certitude, la nervosité monte d’un cran, et ajoute une touche d’inquiétude suffisante pour supporter les prix.
En Amérique du Sud, la météo a été mauvaise dernièrement, surtout en avril. La récolte de soya de l’Argentine déçoit autant par sa quantité que sa qualité. Le pays étant de loin le 1er exportateur mondial de tourteau, il ne faut pas s’étonner que le prix de ce dernier ait aussi explosé à partir du mois de mai, entrainant dans son sillage celui du soya.
De son côté, la deuxième récolte en maïs au Brésil a dû conjuguer avec des conditions trop sèches, de sorte que plus du quart a été menacé. On ne peut encore pleinement établir les quantités perdues, mais assurément, on ne parle plus d’une récolte record de maïs pour le Brésil.
Enfin, il faut le dire, les spéculateurs sont aussi entrés dans la bergerie après avoir broyés du noir au sujet du marché des grains pendant des mois, accentuant comme toujours l’amplitude du rallye en cours.
C’est donc un beau cocktail que nous avons sous la main qui remet en question la disponibilité de grains pour les prochains mois et la récolte 2016-17. Pas surprenant que les prix aient bondi!
Le danger? D’entrée de jeu, j’ai mentionné dans ce billet que le comportement actuel des prix est typique du printemps/début d’été; que pour l’instant 2016 s’apparentait très bien à la tendance saisonnière. Or, toujours selon cette tendance, tôt ou tard un retour à la normale aura lieu. Généralement à la fin juin/début juillet, lorsque nous finissons par en savoir davantage sur les superficies ensemencées aux États-Unis et si le début de saison a été sommes toutes garants de bons rendements à venir.
Bien sûr, la tendance saisonnière ne permet pas de prévoir pour autant la météo. Si La Nina, par exemple, se manifeste, les prix grimperont en flèche. Par contre, dans cette même veine, qu’en sera-t-il si la météo collabore et promet à nouveau d’excellents rendements comme se fût le cas depuis deux ans.