
Les dernières semaines n’ont pas été des plus intéressantes côté marché des grains. D’une situation un peu trop chaude qui menaçait encore jusqu’à la mi-juillet dernière les cultures américaines, la situation a vite tourné au vinaigre par la suite pour les prix.
De bonnes précipitations et réserves d’eau dans les sols américains auront eu tôt fait d’assurer que même avec des températures dépassant parfois 40 degrés, le résultat est là : des rendements record sont maintenant attendus pour cet automne aux États-Unis.
C’est ce qu’a confirmé le USDA vendredi le 12 août dans son rapport mensuel, avec le maïs prévu à 175,1 boisseaux/acre (10,99 tonnes/ha). Le dernier record américain remontait à il y a 2 ans à 171 boisseaux/acre. Même son de cloche pour le soya où on s’attend à 48,9 boisseaux/acre (3,29 tonnes/ha), ce qui dépasse le record de l’an dernier de 48,0 boisseaux/acre.
À lire aussi

Plus de maïs québécois d’exporté cette année?
On m’a demandé si j’anticipais une hausse plus importante du prix du maïs au Québec cette année, étant donné que la demande à l’exportation était plus forte que la normale cette année. C’est une excellente question, mais difficile à répondre.
Pas besoin de dire qu’avec de tels rendements prévus cet automne, ce sont des récoltes record de maïs et soya qui sont attendus aux États-Unis, rien de positif pour les prochaines semaines côté marché des grains.
Pourtant, que ce soit avant ou même suivant la publication de ces chiffres d’aujourd’hui, les sceptiques à l’idée que les rendements américains seront aussi exceptionnels qu’on le dit sont nombreux. Ceci se sera d’ailleurs très bien reflété dans les anticipations des rendements des marchés en attendant ce rapport. On prévoyait plutôt en moyenne 170,8 bo./acre dans le maïs et 47,6 bo./acre dans le soya. C’est loin de ce que le USDA a présenté comme prévisions aujourd’hui.
Mais comment les analystes peuvent-ils avoir une lecture aussi différente des rendements à prévoir que le USDA?
Comme toujours, certains seront tentés de ramener l’hypothèse que le USDA manipule ses chiffres, et ce, pour des raisons parfois aussi obscures que celles entourant la théorie selon laquelle les Américains ne seraient jamais allés sur la lune. Mais, c’est possible, tout est possible… Sauf qu’il faut remettre les pendules à l’heure.
Mon idée n’est pas de me porter ici défenseur du USDA, mais ça fait des semaines qu’à tous les lundis, dans son rapport hebdomadaire sur le développement et l’état des cultures américaines, le USDA souligne leurs conditions exceptionnelles. Comment alors s’étonner vraiment qu’aujourd’hui, des rendements record soient annoncés?
Certains auront tôt fait de pointer du doigt les régions à problèmes, où les cultures n’ont pas profité de bonnes conditions. C’est le cas entre autres des États de l’Ohio, de l’Indiana, et de certaines régions dans le Dakota du Sud. Mais, le Midwest est un large territoire comportant aussi plusieurs autres États où les conditions ont été jusqu’ici pratiquement idéales. Ceci compense sans aucun doute pour les rendements moins intéressants de trois États.
D’autres seront tentés de faire appel aux médias et réseaux sociaux qui ont fait, comme toujours, un travail remarquable à mettre de l’avant des champs de maïs aux feuilles roulées, ou encore des photos d’épis dont les extrémités n’ont pas profité d’une bonne pollinisation en raison de chaleurs excessives (tip back). Le fait est cependant que ce sont ces photos et cas plus inquiétants qui alimentent davantage de discussion, pas de beaux champs avec des épis remplit à bloque qu’on réserve plutôt bien souvent pour la promotion de produits et semences performantes. Résultat, avions-nous une juste lecture de la situation avec l’information diffusée? Il y a matière à s’interroger…
Maintenant, est-ce dire qu’avec ces chiffres d’aujourd’hui, le USDA n’a pas poussé sa chance un peu avec des rendements aussi exceptionnels? C’est ce que semble croire les marchés qui, malgré des récoltes monstres de maïs et soya en vue, n’ont pourtant fait plonger les prix à Chicago; enfin, pas pour l’instant.
Ici, je m’accorde davantage à cette idée. En effet, si je ne suis pas prêt à dire que le USDA a tords dans ses prévisions, je serais tenté de croire qu’il a probablement été un peu trop agressif dans ses révisions à la hausse. Rien de scientifique, rien de statistique, simplement que je peine à croire à une aussi forte progression des rendements américains en aussi peu de temps, surtout avec ceux déjà très intéressants obtenus dans les dernières années.
Mais, on peut jouer avec les virgules, remettre en question la qualité des prévisions du USDA, ou encore anticiper que le USDA sera forcé de revoir à la baisse les rendements américains dans les prochains mois, côté commercialisation de ses grains, le résultat demeure essentiellement le même : ce ne sera pas une autre année facile pour les prix.
Il faut donc dès maintenant réfléchir et préparer sa stratégie de commercialisation, car même lors d’année difficile, il est possible de tirer son épingle du jeu. Tout est une question ici de bien établir ses objectifs et d’utiliser les bons outils, plutôt que de s’attarder sur l’acuité des prévisions du USDA.