Financement agricole Canada (FAC) a publié le 12 mars son rapport annuel sur la valeur des terres agricoles. Une surprise révélée par ce bilan de l’année 2023 : le rythme d’augmentation de la valeur des terres continue de croître — une accélération qui, compte tenu d’une diminution des revenus et des taux d’intérêt qui grimpent, met l’acquisition d’une terre hors de portée pour plusieurs.
Jean-Philippe Gervais, vice-président et économiste en chef à Financement agricole Canada (FAC), est surpris de la continuation de cette augmentation de la valeur des terres. En conférence de presse pour présenter le rapport sur la valeur des terres pour l’année 2023, il rappelle qu’à pareille date l’an dernier, il avait prédit un ralentissement de l’augmentation pour l’année à venir, non pas une accélération. « La valeur des terres agricoles continue d’augmenter, et on a quatre ans d’augmentation de ce taux de croissance. Donc on a une accélération au Québec dans les quatre dernières années du taux de croissance de la valeur des terres », constate Jean-Philippe Gervais. « J’avais des attentes que le taux de croissance soit moins fort pour 2023, pas une baisse de la valeur des terres, mais quand même une croissance moins élevée. Mais on arrive avec 13,3 % — ce qui est quand même assez fort. »
Une tendance depuis 2022 à une diminution des revenus bruts et une augmentation des taux d’intérêt se combinent au phénomène de rareté des terres pour expliquer cette accélération de l’augmentation de la valeur des terres. « On devrait voir la diminution de revenu avoir un certain impact sur le marché, mais étant donné la rareté des terres, je pense que le marché est encore soutenu fortement par une rareté avec une demande qui est assez forte pour les entreprises qui désirent prendre de l’expansion, » selon Jean-Philippe Gervais.
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Historiquement, il s’agirait d’un record : nous serions au point le plus bas d’abordabilité d’une terre agricole jamais recensé. « C’est vrai pour le Québec et l’Ontario », constate-t-il. « Par exemple, en Ontario, si on regarde la part du revenu moyen que l’on peut tirer d’une terre, et comment on peut financer l’achat de la terre avec des taux d’intérêt moyens, on arrive à plus de 100 % des revenus bruts alloués au paiement du capital et des intérêts sur un prêt — sans considérer les dépenses que l’on doit assumer pour la production. »
L’achat d’une terre, pour un proche futur, ne serait donc pas accessible pour ceux et celles qui veulent se lancer en affaire à crédit. On en est à un point où il y aurait une catégorie d’entreprise qui serait capable d’assumer les coûts d’achat d’une terre et une autre pas. « L’achat serait accessible à une entreprise plus mature qui a des actifs pour subventionner l’achat de cette nouvelle terre au moyen de revenus provenant de ses autres opérations », souligne-t-il.
Malgré ce bémol concernant l’accessibilité des terres, Jean-Philippe Gervais demeure optimiste à long terme puisque, selon lui, le marché des terres repose encore sur des assises assez solides, incluant leur rareté. Selon lui, « l’année 2024 va être plus difficile que les années 2022-2023. Par contre, il s’agit d’un secteur porteur d’avenir, avec une croissance intéressante à plus long terme. Ce n’est pas surprenant pour moi que les entreprises veuillent investir. Et à un certain point, on ne verra plus ces augmentations. » Mais en sommes-nous rendus là ? Jean-Philippe Gervais l’ignore.
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