Engazonneuse d’entre-rangs

Publié: 6 janvier 2011

Au moment où la plupart des producteurs ont remisé leur semoir, Jean Tétreault sort le sien :  il sème du ray-grass. Et c’est un semoir bien particulier qui sillonne ses champs de maïs, à  la mi-juillet.
Publié dans Le Bulletin des agriculteurs de janvier 2011

par Eve Cayer

Jusqu’à tout récemment, les producteurs qui souhaitaient semer du ray-grass en intercalaire dans le maïs devaient effectuer un semis aérien. Semer du ray-grass, entre les  rangs de maïs à la mi-juillet, sans passer par le ciel, est maintenant possible au Québec. Une entreprise de chez nous et un producteur se sont ralliés pour développer un  distributeur de semences. Le Bulletin s’est entretenu avec eux.

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Le producteur de maïs et de semences de soya, Jean Tétreault, de la Ferme Jean et François Tétreault, de St- Pie-de-Bagot, a fait la connaissance de la culture intercalaire du  ray-grass lors d’une conférence donnée par Dan Towery, d’Ag Conservation Solutions. Il a été si convaincu des bienfaits du ray-grass annuel qu’il a investi temps et argent au développement d’une méthode de semis. Il a aussi ensemencé les entre-rangs de ses 150 hectares de maïs avec cette graminée.

Pour ne pas faire de compétition au maïs, le ray-grass doit être semé tardivement. Ainsi, pour Jean Tétreault, l’utilisation de son arroseuse automotrice s’imposait. Il a donc  approché Aulari, une entreprise de sa région, pour fabriquer un applicateur de ray-grass qui s’installerait sur son pulvérisateur. Reconnue pour ses applicateurs  pneumatiques d’engrais, Aulari a profité de son expertise pour répondre au besoin de son client.

Anatomie de l’appareil

À l’avant de l’arroseuse automotrice, branché sur une sortie hydraulique, on retrouve un réservoir à grains. « Pour une autonomie au champ, c’était important d’inclure  une réserve, mais à l’arrière, son poids causait un problème », explique Patrick Audette, président chez Aulari. Cette boîte de réserve correspond au distributeur d’engrais pneumatique (ARL1500P) de la compagnie et sert aussi à l’application de chaux granulaire, chez les Tétreault. « Le réservoir est multifonctionnel, il peut appliquer de la  semence, de l’engrais et de la chaux granulaire », affirmet-il. À l’arrière, entre le réservoir de l’arroseuse et la rampe, un distributeur de grains a été installé.

Sur le distributeur, il y a 21 sorties d’un côté et 20 sorties de l’autre, permettant de semer 41 entre-rangs par passage. À chacune des sorties est rattaché un tube. Les tubes  longent la rampe du pulvérisateur et chacun se jette dans un pendillard suivant un espacement de 76 cm (30 po).

De cette façon, la semence contenue dans le réservoir à l’avant de l’arroseuse, est soufflée dans un système de tubes qui se déverse dans le distributeur. Le distributeur est muni de cannelures qui se jettent dans les tubes menant aux pendillards. Selon Patrick Audette, le principal défi était d’obtenir un taux de semis uniforme sur une si grande longueur de rampe. En effet, le système d’application de semences devait s’étendre sur l’entité de la rampe d’arrosage, soit 31 mètres de long (102 pieds et demi). C’est pour réduire la compaction et permettre de passer au même endroit dans le champ pour les arrosages et le semis que les propriétaires de la Ferme Jean et François Tétreault ont voulu le système sur une telle largeur.

Engrais vert convaincant

Pour mettre autant d’efforts, d’investissements et de temps, les bénéfices de cette pratique devaient valoir la peine. Effectivement, le ray-grass est un engrais vert vertueux. Par ses profondes racines, il explore le sol en créant des microfissures qui favorisent les échanges air-eau et assurent un bon égouttement. En plus d’être louangé pour ses propriétés structurantes, le ray-grass a la capacité de capter les éléments nutritifs non utilisés, de réduire l’érosion et de contrôler les mauvaises herbes. Les avantages de cette graminée s’expriment également par une augmentation des rendements.

Jean Tétreault prépare ses terres pour un transfert vers le semis direct. « Le but d’utiliser le ray-grass est d’avoir une couverture végétale pour améliorer la structure de mes sols, pour ensuite passer au semis direct », précise le copropriétaire de la Ferme Jean et François Tétreault. Dan Towery estime de trois à cinq ans la période nécessaire afin d’apercevoir des changements au niveau de la structure du sol, lors d’un passage de l’agriculture conventionnelle au no-till. Selon lui, l’utilisation du ray-grass permet d’écourter cette période afin d’entrevoir des résultats au profil du sol.

Avec l’applicateur décrit plus haut, Jean Tétreault a semé l’engrais vert à un taux de 15 lb/acre (2,75 kg/ ha), comparativement aux 20-25 lb/acre (3,7-4,6 kg/ha) nécessaires au semis aérien. Les pendillards réduisent la dérive de la semence. De petite taille, les graines de raygrass s’envolent facilement. D’ailleurs, la semence de  raygrass annuel est facile à trouver, « les producteurs n’ont qu’à s’informer auprès de leur fournisseur de semence »,  confie Jean Tétreault. La semence coûte un peu moins de 3 $ le kilogramme.

Le ray-grass offre aussi une couverture de sol au cours de l’hiver. « Au printemps, nous allons le brûler au glyphosate », affirme le producteur. Des cas de résistance au glyphosate ont été rapportés aux États-Unis, notamment au Mississippi et en Oregon. Toutefois, les producteurs québécois ne semblent pas, jusqu’à ce jour, éprouver de problèmes avec l’élimination de cette plante de couverture. Daniel Brière, consultant chez Plant-Prod, stipule quant à lui que « les bénéfices qu’en tirent les producteurs sont plus grands que les problèmes possibles causés par la résistance. »

Le partenariat d’Aulari et de la Ferme Jean et François Tétreault a permis de développer une façon de faire qui intéresse nos voisins du sud. Finalement, comme pour toute nouvelle pratique incorporée sur une ferme, il est recommandé de faire un essai sur une parcelle de l’entreprise. Cette façon de faire vise à évaluer la réponse des terres à ce nouvel élément.

Encadré: Le bon moment pour semer le ray-grass
Un semis trop tôt entre en compétition avec le maïs pour les nutriments. Lorsqu’un herbicide de type antigraminées résiduel est utilisé au printemps, le semis hâtif du  ray-grass risque de ne pas lever. Le ray-grass a besoin de 60 jours pour s’établir. Un semis tardif de ray-grass ne se développe pas suffisamment et n’offre pas tous les bénéfices.

Description des photos
Les photos sont publiées dans le magazine imprimé
1. Le distributeur est placé entre le réservoir du pulvérisateur et la rampe d’épandage. On retrouve 21 sorties d’un côté et 20 de l’autre pour couvrir la longueur totale de la rampe.
2. Le ray-grass prendra de la vigueur à la suite de la récolte du maïs et couvrira le sol  durant l’hiver.
3. Jean Tétreault devant le distributeur d’engrais, prêt pour l’application de chaux granulaire. Le distributeur est multifonctionnel puisqu’il sert à la fois pour le raygrass et pour la chaux granulaire.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Luc Gagnon

Luc Gagnon