Le calme… après la tempête!

Publié: 21 décembre 2012

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Jean-Philippe Boucher agr., MBA [email protected]

Les récoltes sont terminées et les batteuses déjà remisées jusqu’à l’automne prochain. Dans plusieurs régions, la neige s’est installée sur les champs, signe incontestable que l’hiver est maintenant bel et bien en train de s’installer confortablement pour quelques mois.

Côté marché des grains, le dernier rapport mensuel du Département de l’Agriculture États-Unis (USDA) aura été fidèle à lui-même, c’est-à-dire peu bavard et surprenant. Que ce soit aux États-Unis ou dans le monde, on s’attend toujours à être très serré dans le maïs d’ici les prochaines récoltes. Dans le soya, certains s’attendaient à un resserrement de sa disponibilité pour 2012-13, spécialement aux États-Unis. C’est ce que leur aura timidement concédé l’USDA, mais encore… trop peu pour vraiment s’énerver. Par contre, concernant le blé, on parle maintenant d’une situation en principe plus confortable dans les prochains mois. Ce nouveau contexte aura d’ailleurs forcé le prix du blé à chuter à un creux inégalé depuis le début du mois de juillet dernier.

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On m’a demandé si j’anticipais une hausse plus importante du prix du maïs au Québec cette année, étant donné que la demande à l’exportation était plus forte que la normale cette année. C’est une excellente question, mais difficile à répondre.

Dans l’ensemble par contre, les marchés sont fidèles à eux-mêmes pour un début de mois de décembre pour l’instant. L’approche du temps des Fêtes, s’il n’y a pas de problèmes importants avec les cultures en Amérique du Sud comme l’an dernier, c’est le calme plat côté nouvelles pour les grains. Et qui dit absence de nouvelles dit aussi risque de voir les prix peu progresser ou même reculer.

Il faut donc déjà se tourner vers 2013, avec un 1er rapport mensuel de l’USDA très attendu le 11 janvier prochain, pour s’attendre à retrouver de nouveaux éléments qui permettront aux prix de sortir de leur léthargie et grimper vraiment de nouveau s’ils le peuvent.

C’est entre autres dans cette 1re publication de l’année que l’USDA jettera les bases finales de ce qu’auront été officiellement les récoltes américaines (rendements, superficies récoltées et productions finales). C’est également à partir de ce rapport que, dans les semaines qui suivront, les marchés porteront alors toutes leurs attentions sur les signaux qui confirmeront ou non le contexte de consommation de grains de 2013 : un ralentissement dans le maïs… dans le blé,  sa vigueur dans le soya?

Est-ce que 2013 sera à l’image de 2012? De nouveaux prix historiques? Des soubresauts de plusieurs dizaines de dollars la tonne en quelques jours et semaines? Ou encore une chute sans précédent?

Au moment où j’écris ces lignes, il existe déjà une panacée d’hypothèses de toutes les couleurs. Certains spécialistes ne se gênent pas pour affirmer que les prix du maïs et soya friseront de nouveaux records. J’ai même lu des prévisions de maïs et de soya à 10 et 20 $US le boisseau (394 et 735 $CAN la tonne). Et ce n’est pas impossible quand on prend en compte l’état encore très sec des sols aux États-Unis par exemple, ou encore les signaux qui tendent à confirmer la forte demande de soya qui se poursuit malgré sa valeur toujours très élevée à la bourse.

Par contre, pour suivre le schème de pensée de d’autres analystes moins optimistes, le fait est que nous sommes aussi par exemple toujours à risque de connaître des récoltes records aux États-Unis. Il ne faut en effet pas perdre de vue qu’après 3 années difficiles, tôt ou tard, il faudra bien qu’une bonne année ait lieu. Et, si c’est le cas, l’abondance de grains pourrait alors faire chuter en un tour de main les prix.

Alors, lesquels de ces analystes et spécialistes auront raison?

À mon avis, le biais demeure pour l’instant haussier, mais encore… Cette affirmation se veut plus un coup de dé qu’autre chose. Il existe en fait trop d’imprévus dans les marchés pour tenter de faire des prévisions qui se tiennent vraiment. Qui aurait pu prévoir par exemple une sécheresse historique pour 2012?

Ce qui ne fait aucun doute par contre c’est que la dynamique des marchés se veut de plus en plus volatile. En l’espace de quelques semaines, voire même quelques jours, on assiste de plus en plus souvent à des bonds ou des chutes très impressionnantes des prix. On a qu’à penser ici aux prix du maïs et du soya qui, l’été dernier, ont grimpé à la bourse de plus de 100 et 170 $ la tonne de leurs creux de juin à leurs sommets d’août.

Nous vivons donc aujourd’hui dans un contexte de marché qui, à mon avis, a profondément évolué au cours de la dernière décennie, et peut-être même plus qu’on le croit. Les choses vont plus vite. On a plus d’informations et l’obtenir est beaucoup plus simple et rapide que jamais. Il y a aussi beaucoup plus de « spéculateurs » qui transigent du grain et des viandes à la bourse à une vitesse qui frise même parfois les microsecondes (transactions à haute fréquence, communément référé en anglais comme du frenquency trading). Bref, un cocktail explosif d’éléments qui a de quoi faire bondir et chuter les prix de manière parfois surprenante et imprévisible si on n’y prend garde.

On pourra dire que je prêche pour ma paroisse, mais s’il y a quelque chose à prendre comme résolution pour 2013, c’est certainement pour les producteurs d’apprendre tranquillement à maîtriser le risque auquel ils sont exposés aujourd’hui sur les marchés. Puisque ce risque, il est maintenant bien réel et incontournable et il faut s’interroger dans nos réflexions à savoir ce qu’est l’objectif d’une entreprise agricole : spéculer comme le font de plus en plus d’investisseurs à la bourse, ou assurer la rentabilité de sa ferme?

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La fin de 2012 aura été pour moi une période de l’année très remplie et l’année 2013 s’annonce déjà aussi très prometteuse. Ceci n’aura d’ailleurs pas été étranger à mon manque de régularité dans la mise à jour de ce blogue depuis quelques semaines. Mais, je tiens à vous remercier toutes et tous d’avoir pris le temps de me lire et de m’écrire. Tout au long de la dernière année, vous avez de plus en plus nombreux à le faire, et je vous en remercie.

Je tiens également à profiter de l’occasion pour remercier le Bulletin des Agriculteurs et sa merveilleuse équipe qui m’offre, depuis bientôt 5 ans, l’opportunité extraordinaire de communiquer mes idées et de partager mes passions que sont les marchés financiers et celui des grains avec vous.

À tous, un merveilleux Temps des Fêtes et une excellente année 2013!!

 

 

 

 

À PROPOS DE L'AUTEUR

Jean-Philippe Boucher

Jean-Philippe Boucher

Collaborateur

Jean-Philippe Boucher est agronome, M.B.A., consultant en commercialisation des grains et fondateur du site Internet Grainwiz. De plus, il rédige sa chronique mensuelle Marché des grains dans le magazine Le Bulletin des agriculteurs.