Le retour prochain au champ signifie qu’il faudra de nouveau ouvrir l’oeil pour détecter les mauvaises herbes. Ceci sera d’autant plus important que certaines d’entre elles, comme la vergerette du Canada, démontrent de résistance à quelques herbicides, au même moment où ces même produits sont en quantités limitées sur le marché, sans parler de leurs coûts en hausse.
Au Québec, des tests en sur des échantillons ont permis de confirmer en avril 2021 la présence de vergerette du Canada résistante aux herbicides de groupe 2 dans des champs situés dans Lanaudière et dans la MRC de Vaudreuil-Soulanges, en Montérégie-Ouest. Une seule population affichant un très faible pourcentage d’individus résistants au glyphosate (groupe 9) a, jusqu’à maintenant, été confirmée en Montérégie, selon le Réseau d’avertissement phytosanitaire du Québec (RAP).
En Ontario, le problème est présent depuis 2010 avec la confirmation des premières vergerettes résistantes qui ont été retrouvées dans huit champs. La vergerette du Canada résistante au glyphosate s’est rapidement répandue pour devenir le problème numéro un en gestion des mauvaises herbes pour les producteurs de soya, indique Marc Maisonneuve, agronome chez Corteva pour l’Est de l’Ontario. La mauvaise herbe fait d’ailleurs l’objet d’un programme de désherbage depuis 2014-15 afin de la contrôler. L’Ontario a développé une expertise qui peut s’avérer utile pour les producteurs québécois.
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Lorsque la vergerette est établie dans le champ avant la levée du soya, elle cause des pertes de rendement de plus de 90% dans certains cas. Sa grande capacité d’adaptation explique sa propagation rapide dans l’Est du Canada. Elle pousse à peu près partout, explique l’agronome qui n’hésite pas à la placer dans son classement personnel des mauvaises herbes à surveiller. « Avec l’herbe à poux, le choux gras et l’amarante, la vergerette se classe au quatrième rang du top des mauvaises herbes qu’on ne souhaite pas avoir. »
Avec la popularité du semis direct, la vergerette a trouvé un terreau idéal pour se multiplier. Elle s’avère particulièrement coriace également dans les champs de soya en raison du type d’intervention qui sont réalisées et des produits utilisés. Elle trouve moins d’opportunités dans les champs de maïs ou de céréales. Même scénario dans les prairies, la luzerne et les graminées offrent une compétition à la croissance de la mauvaise herbe. Dans ces derniers cas, il faut toutefois faire attention aux épisodes secs, surtout dans les dernières années qui auraient pu favoriser leur implantation et expansion, à l’exemple des pissenlits.
Il existe toutefois différents moyens d’intervenir pour maîtriser la vergerette, des méthodes qui ont fait leurs preuves en Ontario. Comme le dit M. Maisonneuve, le travail du sol est très efficace. Très petites, les graines de la vergerette ne survivent pas beaucoup plus de trois ans dans le sol. « La vergerette n’aime pas être dérangée, c’est pour ça qu’elle aime le semis direct. Travailler le sol sur un demi-pouce va faire une grande différence », indique l’agronome, qui donne l’exemple d’un tour de vibro dans le champ.
Les cultures de couverture et les intercalaires peuvent également offrir une concurrence qui limite la levée de la vergerette à la fin de l’été et à l’automne.
C’est aussi le cas d’un programme herbicide qui pourrait inclure une application hâtive afin de supprimer les graines de vergerette du Canada qui ont hiverné et qui lèvent tôt. Un brûlage à l’automne supprimera quant à lui les rosettes de vergerette avant l’hiver. Marc Maisonneuve aborde aussi l’utilisation d’un programme herbicide à multiples modes d’action pour résoudre les problèmes de résistance. Les conseils de son agronome sont d’ailleurs recommandés, que ce soit pour le diagnostic que dans le traitement.
Préconiser les méthodes alternatives
M. Maisonneuve recommande toutefois de privilégier les méthodes mécaniques d’intervention, ou encore des produits résiduels, en raison des coûts et de la disponibilité cette année de certains herbicides. « En ce moment, on a 85% de nos réserves de glyphosate pour la saison . » Les coûts ont aussi fortement augmenté depuis un an en raison de problèmes liés à la fabrication et la pandémie.
Même si la situation n’est pas optimale, elle offre une occasion de revoir ses méthodes et de faire preuve de davantage de prévention. « C’est un bon timing, surtout pour ceux qui ne se méfient pas. Avec la résistance au glyphosate, il faut compter sur des herbicides de d’autres groupes et d’autres méthodes culturales. »
En Ontario, l’agronome juge que la situation est sous contrôle actuellement grâce à l’éducation et à la prévention faites chez les producteurs depuis 2019, mais il n’écarte pas l’idée que davantage de régions au Québec puissent être affectées. Le mieux est encore de prévenir et d’intervenir dans les champs le plus tôt possible quand le problème est observé.
Le RAP a d’ailleurs rendu disponible une fiche d’informations sur la vergerette et les différentes méthodes de contrôle.
Vous pouvez aussi consulter les conférences offertes ce printemps par Le Bulletin des agriculteurs quant aux ennemis des cultures à surveiller.